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Deux formes de freinage dans un atelier de mécanique : respecter les quotas et tirer au flanc. Précédé d'une présentation de J.P Briand et J.M Chapoulie

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  • Référence bibliographique

Roy Donald. Deux formes de freinage dans un atelier de mécanique : respecter les quotas et tirer au flanc. Précédé d'une présentation de J.P Briand et J.M Chapoulie. In: Sociétés contemporaines N°40, 2000. pp. 29-56.

DOI : https://doi.org/10.3406/socco.2000.1812

www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_2000_num_40_1_1812

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

Résumé (fre)

RÉSUMÉ: Quand on examine l’activité de production des ouvriers de l’industrie dans le cadre d’une observation participante, on s’aperçoit que faire traîner le travail ne relève pas nécessairement de l’inaction comme l’ont pensé un certain nombre de chercheurs qui ont étudié ce sujet. L’examen attentif et minutieux des diverses manières d’en faire le moins possible, dans un atelier de construction mécanique où l’on était payé aux pièces, a montré que le respect par un groupe d’un plafond de production n’était qu’un moyen parmi d’autres dans la panoplie dont disposaient les ouvriers pour limiter le rendement, et que le groupe s’employait à limiter la production à longueur de journée.

Résumé (eng)

Quota Restriction and Goldbricking in a Machine Shop

When the production behavior of industrial workers is examined by participant observation, it is seen that loafing on the job may not be the simple line of inactivity that some students of the subject have thought it. Close scrutiny of the particulars of " soldiering" in one piecework machine shop revealed that group adherence to a " bogey" was but one of several kinds of output restriction in the repertoire of machine operatives ant that the work group was restricting production day in and day out.

  • La structure bimodale de la production [link]
  • Le respect d’un quota [link]
  • «Le temps perdu» en fonction du quota [link]
  • Une évaluation du freinage résultant du quota [link]
  • Comment tirer au flanc en travaillant aux pièces [link]
  • Le travail au ralenti [link]
  • Le freinage du travail aux pièces par les tire-au-flanc : un essai d’évaluation [link]
  • Tirer au flanc en travaillant à la journée [link]
  • Le freinage dans les retouches [link]
  • Essai d’évaluation de la limitation de la production dans le travail non remunéré aux pièces [link]
  • Résumé et conclusion [link]

Liste des illustrations

  • Tableau 1. Répartition des heures de travail aux pièces en fonction du score par intervalles de 10 cents [link]
  • Tableau 2. Répartition des heures de travail aux pièces en fonction du score, par intervalles de 10 cents, pendant les deux périodes consignees [link]
  • Tableau 3. Perte de temps et de salaire sur les opérations qui permettaient de gagner plus de 1,30 dollar l’heure [link]
  • Tableau 4. Temps inoccupé pendant les «taches soumises au quota»: pourcentage et moyenne par jour (par mois, de mars a aout 1945) [link]

Texte intégral

    J . -P . B R I A N D , J . -M . C H A P O U L I E    

Sociétés Contemporaines (2000) n° 40 (p. 29-31)

29 QUOTA RESTRICTION AND GOLDBRICKING IN A MACHINE SHOP

PRESENTATION DE LA TRADUCTION

Les trois articles tirés par Donald Roy (1911-1980) de sa thèse de Ph. D. sont restés, aux États-Unis et ailleurs, des classiques de la sociologie du travail, toujours cités et jamais remplacés par des travaux plus récents sur les mêmes thèmes. Dans le contexte de l’immédiate après-guerre, Roy, un étudiant de l’Université de Chicago, avait pris un emploi d’ouvrier sur machine pour payer ses études. À la suggestion d’Everett Hughes, il commença à prendre des notes sur ce qu’il faisait et ce que faisaient ses camarades de travail, dans l’atelier et au dehors. Il trouva ainsi un sujet pour une thèse qu’il soutint en 1952. Au cours de la seconde partie de sa carrière, Roy étudia l’implantation du syndicalisme chez les ouvriers du Sud des États-Unis, procédant toujours selon la même démarche d’observation prolongée. Ses notes de terrain, pour l’ensemble des recherches menées par Roy, ont été conservées à Duke University, où Roy passa la totalité de sa carrière d’enseignant. Elles révèlent ce que laissent pressentir les articles publiés : Roy fut un chercheur de terrain exceptionnel par la minutie et la finesse de ses observations. Les archives de Duke ont conservé le manuscrit d’un ouvrage sur la syndicalisation ouvrière dans le Sud, qui était presque achevé en 1980. L’article dont on trouvera ici une traduction est le premier et le plus connu de ceux que publia Roy. Il fait partie d’un projet de publication d’un recueil de Roy en français. Roy s’attache à décrire les comportements et les relations de travail dans un atelier du point de vue des ouvriers dont il partagea l’expérience : il part des catégories des ouvriers eux-mêmes, il reprend souvent leurs expressions pour mener ses propres analyses, et ne donne comme informations sur les autres services que celles qui leur – et donc lui – étaient accessibles (par le contact direct ou par ouï-dire). Même dans sa thèse 1, Roy ne donne guère de précisions sur la nature des produits finaux de son entreprise et de son atelier. Tout au plus cite-t-il un document de

J . -P . B R I A N D , J . -M. C H A P O U L I E             

30 Geer Company (un pseudonyme), daté de 1945, qui donne cette liste : des moteurs, des produits destinés à la maintenance du matériel ferroviaire, des engins de forage, des wagons de chemin de fer avec essieux à écartement variable, des valets industriels. Burawoy, qui a réalisé en 1974 une enquête dans la même entreprise, entretemps rachetée par un groupe, retrace l’historique des productions 2. L’entreprise, née en 1881, a commencé par fabriquer du matériel ferroviaire, puis elle s’est lancée dans les moteurs d’automobiles et spécialisée dans les moteurs de camions et de canots de sauvetage ; au début de la deuxième guerre mondiale, ses productions se sont étendues aux chariots-élévateurs et aux moteurs de tanks et d’avions. (On peut supposer que les «jacks » évoqués plusieurs fois dans le texte de Roy sont des vérins pour ces chariots-élévateurs, engins de forage, etc. ; c’est la traduction adoptée ici, plutôt que cric, autre sens de «jack » .) Roy ne rappelle pas non plus ici que les relations de travail sont marquées par certaines particularités dues à la période de guerre. Les ouvriers ne peuvent pas facilement quitter leur emploi ; les syndicats s’engagent à ne pas déclencher de grèves ; en contrepartie, les salaires sont augmentés, la sécurité d’emploi des syndicalistes est garantie, et les cotisations syndicales sont prélevées automatiquement par l’entreprise sur la feuille de paie des ouvriers, pour être reversée au syndicat – auquel pratiquement tous les ouvriers sont affiliés. Les traducteurs se sont efforcés de rester fidèles aux expressions empruntées par Roy au langage qui avait cours parmi les ouvriers entre eux ou dans leurs échanges avec les «services » qui organisent et surveillent le travail. On a ainsi traduit par «opérateur » le terme «operator » qui désigne spécifiquement les ouvriers sur machine individuelle de l’atelier où travaille Roy. On a systématiquement respecté aussi les termes qui rendent compte des opérations compliquées de la comptabilité interne du travail : «to earn » et «earning » , traduits par «gain » et «gagner » (qu’il s’agisse d’un gain effectif ou potentiel, dont l’article étudie les relations dans l’expérience des ouvriers) ; «to turn in » et «turn in » , traduits par «rendre » et «rendement » , désignant les pièces produites et acceptées par les contrôleurs, enregistrées au compte de l’ouvrier, par opposition aux pièces «produites » (dont certaines à retoucher ou mises en réserve) ; «piecework » , traduit par «travail aux pièces » . Enfin, on a traduit par «s’en sortir » le terme familier «(to) make out » constamment utilisé dans les propos des ouvriers cités par Roy. On peut remarquer toutefois que certains des termes principaux utilisés par Roy dans ses analyses ne se trouvent pas dans les citations. Il en va ainsi pour un terme issu de l’argot militaire comme «goldbricking » , traduit par «tirer au flanc » . Il en va de même pour quelques expressions consacrées de la sociologie du travail comme «output restriction » (limitation de la production, ou du rendement) ou, plus significatif encore, pour «quota » et «quota restriction » . Non seulement cette dernière expression n’apparaît pas dans les citations, comme on peut s’y attendre, mais même le terme «quota » n’est pas employé par les ouvriers. Ce terme – comme celui de «bogey » , employé deux fois par Roy comme un strict équivalent – est établi comme une catégorie d’analyse au moins depuis l’enquête dirigée par Mayo sur la

           P R E S E N A T I O N D E L A T R A D U C T I O N

31 Western Electric à Hawthorne – ce que Roy n’ignore évidemment pas, comme on le voit dans l’article 3. Quant à l’expression «quota restriction » , que nous avons traduite par «respect d’un quota » , elle ne désigne pas une limitation par rapport à un quota défini par ailleurs, mais la fixation par les ouvriers eux-mêmes d’un quota que chacun d’entre eux doit «respecter » .

Jean-Pierre BRIAND, Jean-Michel CHAPOULIE

      D O N A L D R O Y      

Sociétés Contemporaines (2000) n° 40 (p. 33-56)

33 DEUX FORMES DE FREINAGE DANS UN ATELIER DE MECANIQUE : RESPECTER UN QUOTA* ET TIRER AU FLANC**

Même les sociologues qui nourrissent une certaine répugnance à l’égard des recherches sur l’administration de l’industrie, soit en raison du caractère «pratique » de ces problèmes, soit parce qu’ils redoutent les biais introduits par les cadres dirigeants, seront forcés de reconnaître qu’une étude de la limitation du rendement dans l’industrie peut apporter un savoir dépourvu de ces deux tares 1. En faire le moins possible, de façon systématique, est une activité de groupe. L’examen des comportements dans un atelier de fabrication peut être aussi utile à la connaissance du «groupe humain » que l’observation d’un groupe de discussion entre races. Et si

D O N A L D R O Y                  

34 quelqu’un venait à utiliser ce savoir, même pour gagner un peu d’argent, cela ne suffirait peut-être pas à entacher sa valeur scientifique. Je rapporte et j’analyse ici des observations que j’ai faites dans le domaine de la limitation de la production pendant onze mois de travail comme opérateur sur une perceuse radiale, dans l’atelier de mécanique d’une usine sidérurgique, en 1944 et 1945. J’ai noté chaque jour pendant dix mois mes impressions, mes pensées, mes expériences, mes observations et, en partie, mes conversations avec les ouvriers de mon équipe. J’écrivais tout cela de mémoire à la fin de la journée ; éventuellement, mais c’était rare, je prenais discrètement des notes pendant le travail. Je notais ouvertement ma production à l’atelier. Je n’ai révélé mes intérêts de recherche ni à la direction, ni aux ouvriers. Je suis toujours resté «l’un des gars de l’atelier » , partageant les habitudes et les confidences de mes compagnons et participant à leur lutte incessante contre la Direction, au début avec une certaine indifférence, mais par la suite avec conviction. En tant que membre du groupe de travail, j’avais accès aux conversations et aux activités communes. En tant qu’opérateur sur machine, je pouvais examiner au microscope un certain nombre de tâches. C’étaient là de grands avantages car le restrictus vulgaris est un petit animal méfiant. Il n’aime pas qu’on l’étudie. Quand on a affaire à des groupes aussi ombrageux et aussi habiles à déjouer la surveillance, l’observation participante peut être un moyen particulièrement sensible pour découvrir les faits et les rapports significatifs (si toutefois l’observateur ne gâche pas tout, en abusant de cette méthode ou en la présentant comme l’unique moyen de faire une observation scientifique). Je me contenterai d’introduire dans cet article quelques distinctions qui feront éclater le terme général de «limitation de la production » en plusieurs catégories, et d’ébaucher une mesure de ces divers types de limitation dans l’atelier où je travaillais. Du 9 novembre 1944 au 30 août 1945, j’ai travaillé 1850,5 heures. Il y avait dans ce total 1350,9 heures (73 %) de «production payée aux pièces » 2. Les 499,6 heures restantes ont été occupées par des travaux relevant de l’étude des temps de production, des retouches et des réglages. Pendant 669,4 heures (49,6 %) de production payée aux pièces, «je m’en suis sorti » , c’est-à-dire que j’ai produit suffisamment de pièces pour «gagner » , au tarif à la pièce prévu pour le type de travail considéré, au moins le «tarif de base » de 85 cents que nous recevions par heure de travail. J’ai donc «gagné » mes 85 cents pendant environ la moitié des heures où il était possible de gagner davantage en réalisant davantage de pièces. En revanche, la moitié du temps à peu près, mon «rendement » (le travail fait et rendu) est tombé au-dessous du niveau correspondant au tarif de base.

La structure bimodale de la production

Mes gains horaires, pour la production payée aux pièces, allaient de 0,09 dollar à 1,66 dollar, soit un écart de 1,57 dollar. Le tableau 1 montre qu’ils avaient une distribution bimodale pour l’ensemble des tâches ou «opérations » effectuées, ce qui suggère l’existence de deux principaux types de comportements.

           F O RM E S D E F R E I N A G E D A N S U N A T E L I E R

35 Mes «gains » horaires se divisent à peu près par moitié de part et d’autre des 85 cents à l’heure qui représentent le «tarif à la journée » , et le seuil à partir duquel «on s’en sort » : ces 85 cents apparaissent donc comme la médiane approximative. Cependant, cette distribution n’a pas du tout l’allure d’une courbe en cloche, avec un mode de 85 cents. Les heures de travail aux pièces où je m’en suis «sorti » et celles où je ne m’en suis pas «sorti » forment deux distributions presque distinctes, avec 74,1 % des 669,4 heures du premier type concentrées dans l’intervalle de 1,25 dollar à 1,34 dollar, et 43,2 % des 681,5 heures du second type dans deux intervalles consécutifs, de 0,35 dollar à 0,54 dollar. La concentration des heures où je m’en suis «sorti » est encore plus marquée si l’on considère que 82,8 % d’entre elles se situent dans trois intervalles consécutifs de 5 cents, entre 1,20 dollar et 1,34 dollar, et que 64,1 % se concentrent dans un seul intervalle de 5 cents, de 1,25 dollar à 1,29 dollar.

TABLEAU 1 REPARTITION DES HEURES DE TRAVAIL AUX PIECES EN FONCTION DU SCORE PAR INTERVALLES DE 10 CENTS

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* Tous les scores «inconnus » se situaient au-dessous du salaire de base de 85 cents.

36 Cette structure bimodale des scores, qui porte sur une période de dix mois, n’est pas la juxtaposition de deux distributions séparées dans le temps, dont la première correspondrait à une période initiale d’apprentissage et dont la seconde manifesterait un comportement complètement différent résultant de l’acquisition d’un savoir-faire. On le voit en comparant la distribution de ces scores pendant deux périodes consécutives de quatre et six mois (tableau 2). La période qui va de novembre à la fin de février correspond à un certain niveau de savoir-faire ; la suivante, de mars à la fin d’août, correspond à un meilleur niveau. Bien que la proportion des bons scores ait plus que doublé dans la seconde période et bien que leur concentration dans l’intervalle du mode se soit accentuée, la structure est nettement bimodale dans les deux périodes. Pour les bons scores, aux deux niveaux de savoir-faire, on retrouve le même mode, l’intervalle 1,25 dollar-1,34 dollar. Pour les mauvais scores, l’intervalle correspondant au mode progresse seulement d’un cran, de 0,35 dollar-0,44 dollar à 0,45 dollar-0,54 dollar.

TABLEAU 2 REPARTITION DES HEURES DE TRAVAIL AUX PIECES EN FONCTION DU SCORE, PAR INTERVALLES DE 10 CENTS, PENDANT LES DEUX PERIODES CONSIGNEES

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37 Je n’ai pas relevé tous les résultats de «l’ouvrier de jour » qui travaillait sur ma perceuse (je faisais partie de l’équipe de nuit) mais j’ai souvent noté sa production de la journée. Celle-ci correspondait à peu près à la mienne. Je me reporterai à mon journal pour montrer que je n’étais pas en dehors des normes par rapport aux autres opérateurs de l’atelier. La distribution bimodale était la règle dans l’atelier. Un observateur extérieur pourrait penser qu’elle traduisait la situation d’ouvriers aux prises avec deux sortes de tâches, les unes faciles, les autres difficiles. Il pourrait avancer un certain nombre de raisons pour expliquer que ces tâches correspondaient à deux modes, et non à une seule courbe en cloche : une bizarrerie des chronométreurs ou un changement de politique dans l’entreprise. Il serait bien difficile, évidemment, de fixer des tarifs à la pièce qui permettraient à chacun de «s’en sortir » avec la même aisance quelle que soit la nature du travail à exécuter. Mais tous ceux qui connaissent bien le monde des ateliers et les procédés des chronométreurs auront du mal à croire ceux-ci capables ou simplement désireux de manipuler des tarifs à la pièce «larges » et «serrés » en adoptant un autre modèle que la courbe en cloche simple. L’allure particulière de la distribution des scores ne saurait être le résultat d’une chose aussi improbable que la distribution bimodale de tâches faciles et difficiles. Mais il se pourrait que les opérateurs, inaccessibles à de plus subtiles distinctions relevant de l’étude des temps, répartissent leurs tâches dans deux compartiments, l’un pour les «boulots juteux » et l’autre pour «les boulots de merde » . Supposons que l’effort moyen de l’ouvrier soit constant d’une tâche à l’autre. Supposons en outre que la tâche A est plus difficile que la tâche B, et que la «différence » peut être estimée à 5 cents pour une heure de travail. Si on s’aperçoit que la tâche A rapporte 75 cents de moins que la tâche B, au lieu des 5 cents attendus, on se doute bien que l’effort n’a pas été constant. Quand l’opérateur découvre qu’il peut gagner 1,00 dollar avec la tâche B, il fait des efforts et se débrouille pour atteindre 1,25 dollar. Inversement, quand il s’aperçoit que la tâche A lui rapporte seulement 95 cents, il s’en désintéresse et descend à un niveau de productivité qui correspond à 50 cents à l’heure ; il compte alors, pour tout salaire, sur la rémunération de base de 85 cents. La tâche B fait désormais partie des «boulots juteux » , et la tâche A, des «boulots de merde » . Dans le compartiment «boulots de merde » , on trouvera toutes les tâches de type A, qu’elles soient à 90 cents, à 85 cents ou à 60 cents. La dichotomie qui se révèle très nettement dans la façon de produire de l’opérateur sur machine invite à distinguer deux grandes catégories de limitation de la production : dans l’une, on «respecte un quota » ; dans l’autre, on «tire au flanc » . La concentration dans l’intervalle 1,25 dollar-1,34 dollar de très nombreuses heures de travail, qui ne débordent pas sur l’intervalle immédiatement supérieur, montre que «respecter un quota » consiste à contrôler son effort quand il s’agit d’un «boulot juteux » , pour ne pas dépasser des maximums convenus. On s’aperçoit aussi que «tirer au flanc » consiste à «se retenir » ou à s’abstenir de tout effort quand il semble impossible de s’approcher du quota.

Le respect d’un quota

C’est surtout le «respect d’un quota » qui a retenu l’attention jusqu’ici. Les chercheurs de l’équipe de Mayo ont observé que le groupe des câbleurs de la Western Electric limitait sa production à un «quota » ou «bogey » 3. Mayo en a déduit que cette façon de rogner sur le travail était due à l’incompréhension de la logique économique de la direction, au terme du raisonnement suivant : la priorité donnée par les cadres à une logique purement économique, plus les changements fréquents de cette logique pour s’adapter à l’évolution des techniques, ont pour résultat le manque de compréhension des ouvriers. Incapables de comprendre la situation, ils n’ont pas la possibilité de construire un code social prélogique comme celui qui donnait leur cohésion aux groupes d’ouvriers avant la Révolution industrielle. Cette impossibilité d’acquérir un code social élémentaire est à l’origine d’un sentiment de frustration. Finalement, la frustration donne naissance à un «code social régressif » , en opposition à la logique économique de la direction. Et la limitation de la production est précisément l’un des symptômes de ce «code social régressif » 4.

En ce sens, Mayo rejoint ceux qui voient dans l’homo economicus une conception fallacieuse. Or les opérateurs de mon atelier témoignaient d’un comportement d’homo economicus. Ils parlaient en calculateurs rusés et le pavillon du dollar flottait au grand mât au-dessus de chaque machine. Leurs actes n’étaient pas toujours en harmonie avec leurs paroles et cette incohérence appelle un examen plus approfondi. Mais c’est peut-être précisément parce qu’ils étaient attentifs à leurs intérêts économiques – du moins à leurs intérêts immédiats – qu’ils ne dépassaient pas leurs quotas. Leurs paroles laissaient entendre que, s’ils n’allaient pas au-delà d’un certain rendement, c’était pour ne pas faire chuter les prix payés pour les pièces concernées ; il en aurait résulté soit une diminution des gains pour une même dépense de travail, soit une augmentation de la dépense de travail s’ils avaient voulu conserver le même salaire. Quand on m’avait embauché, un employé du service du personnel m’avait assuré que les opérateurs sur les perceuses radiales se faisaient en moyenne 1,25 dollar pour une heure de travail aux pièces. Il utilisait le mot «moyenne » de manière large. Je n’avais pas encore l’expérience des ateliers de mécanique et, comme il n’y avait pas de machine disponible avant plusieurs jours, on m’avait conseillé de passer quelque temps à regarder Jack Starkey, un opérateur sur perceuse de premier ordre, à la fois par l’ancienneté et le savoir-faire. «Qu’est-ce que tu as fait avant ? » , m’a aussitôt demandé Starkey. Quand je lui ai dit que j’avais travaillé dans un chantier naval sur la côte du Pacifique, pour un salaire horaire supérieur à 1,00 dollar, il s’est écrié : «Mais qu’est-ce que tu viens faire ici ? » . Je lui ai répondu qu’une moyenne de 1,25 dollar, ce n’était pas si mal. Il a alors explosé :

«Une moyenne ! Tu dis une moyenne ? »

39 «Ouais, une moyenne. Je suis un type moyen ; j’arriverai bien à me faire un dollar et quart. C’est-à-dire, quand je serai dans le coup. » Starkey s’est emporté : «Tu ne sais pas que 1,25 dollar de l’heure, c’est le

maximum qu’on peut faire, même quand on est capable de faire plus ! Et la plupart du temps, on ne peut même pas le faire ! Tu as déjà travaillé aux pièces avant ? » «Non » . «Ça se voit ! Qu’est-ce que tu crois qu’il se passerait, si j’en rendais pour 1,25 dollar à l’heure, de ces corps de pompes ? » . «Si tu en rendais ? Tu veux dire si tu faisais vraiment le travail ? » «Je veux dire si je faisais vraiment le travail et si je le rendais ! » «Ils seraient bien obligés de te payer, non ? C’est pas ça, le contrat ? » «Oui ! Ils me paieraient... une fois ! Tu ne sais pas que si, ce soir, j’en rendais pour 1,50 dollar à l’heure, de ces corps de pompes, le foutu Département des Méthodes ferait une descente ici demain ? Et ils reverraient les cadences avec une vitesse à te donner le tournis ! Et avec la nouvelle cadence, ils diviseraient le prix par deux ! Et je serais obligé de travailler pour 85 cents au lieu de 1,25 dollar ! »

À dater de cet exposé initial de Starkey et jusqu’à mon dernier jour à l’usine, j’ai été en butte aux avertissements et aux pronostics concernant la diminution du tarif. La pression venait surtout de Joe Mucha qui travaillait sur la même machine que moi dans l’équipe de jour, partageait mon programme de travail et m’avait à l’oeil. Le 14 novembre, lendemain du jour où j’ai atteint le quota pour la première fois, Mucha m’a mis en garde :

«Ne va pas au-dessus de 1,25 dollar à l’heure, ou bien le chronométreur va rappliquer aussitôt ! Ils ne perdent pas de temps, ceux-là ! Toujours à guetter les relevés comme des proies ! J’ai pris de l’avance, alors je me la suis coulée douce pendant deux heures. » Joe m’a dit que je m’étais fait 10,01 dollars la veille et m’a recommandé de ne pas dépasser 1,25 dollar à l’heure. Il m’a dit de veiller très soigneusement à l’horaire du lancement et aux temps pour chaque type d’opération, de façon à ne pas dépasser 10,25 dollars par jour.

Jack Starkey fixait le quota en douceur, mais il a fait preuve d’énergie le jour où j’en ai fait pour 10,50 dollars, c’est-à-dire 1,31 dollar à l’heure.

Jack Starkey m’a parlé après le départ de Joe : «Qu’est-ce qui se passe ? Tu essaies de casser la baraque ? » Jack m’a expliqué amicalement que 10,50 dollars, c’est trop comme rendement, même pour un travail qui n’est pas nouveau. «Les ouvriers des tours à tourelles peuvent en rendre pour 1,35 dollar, mais ils ont un tarif de base de 90 cents ; pour nous, c’est 85 cents. » Jack m’a averti que le Département des Méthodes était capable de baisser les prix sur n’importe quelle tâche, les anciennes comme les nouvelles, en modifiant un peu l’installation ou en changeant le calibre du foret. Il m’a raconté que deux opérateurs de la première et de la deuxième équipes, travaillant sur la même machine, étaient entrés en compétition pour voir combien ils pouvaient «en rendre » . Ils en étaient arrivés à 1,65 dollar à l’heure, et le prix avait été divisé par deux. Depuis ce moment, ils étaient obligés de rester sur ce travail parce que personne n’en aurait voulu.

40 D’après Jack, c’était sans problème pour nous d’en rendre pour 1,28 ou 1,29 dollar quand l’occasion se présentait, mais ça n’allait pas d’en rendre pour 1,30 dollar. Donc, maintenant, je connais le maximum : c’est 1,29 dollar à l’heure...

L’atelier partageait les convictions de Starkey concernant les techniques de réduction des prix. Leonard Bricker, un vétéran de l’usine, et Willie, le magasinier, affirmaient tous les deux que rien n’arrêtait la direction quand elle avait décidé de faire dégringoler un prix.

«Regarde ces tâches à 1,25 dollar. Un jour, un gars va en rendre pour 1,30 dollar à l’heure. Alors un autre va en faire pour, disons, 1,31 ou 1,32 dollar. Alors le premier type va monter à 1,35. Et tu comprends tout de suite qu’ils vont monter à 1,50, et puis bang ! On va démonter toute la machine pour changer quelque chose et faire chuter le prix ! » Dans les toilettes, avant mon travail, Willie a fait des commentaires sur mon «boulot juteux » , c’est-à-dire les socles : «Le Département des Méthodes va baisser le prix. On en a parlé aujourd’hui. » «J’espère qu’ils ne vont pas rogner trop. Je suppose qu’ils vont changer quelque chose dans les calibres ? » «Ils vont toucher à l’outillage. T’en fais pas, quand ils décident de baisser un prix, ils trouvent bien un moyen ! » 5

Que le respect d’un quota soit associé à ce genre de déclarations sur la baisse des prix ne prouve pas l’existence d’une relation causale. On ne pourrait mettre en évidence une telle relation qu’en introduisant des changements dans les conditions de travail des ouvriers de façon à susciter une atténuation substantielle de la «peur de la baisse du prix » , et en observant le résultat. Et même si l’on parvenait ainsi à mettre en évidence une relation causale, il faudrait vérifier d’autres hypothèses. Il se peut, mais c’est une chose qu’on ne sait pas encore, qu’un «déterminisme économique » justifie le respect d’un quota dans l’atelier observé. Il se peut aussi, mais on n’en sait rien, que d’autres facteurs soient en jeu, tels que «le manque de compréhension de la logique économique de la direction » selon Mayo.

«Le temps perdu» en fonction du quota

Quelles qu’en soient les causes, cette limitation était à l’origine de pertes de temps appréciables dans l’atelier. L’observation des opérateurs au travail, leurs conversations et mon propre comportement me le prouvent. Comme il fallait du savoir-faire et de l’expérience pour «s’en sortir » rapidement, je n’ai pas eu tout de

41 suite assez de temps libre par suite du respect du quota pour qu’il vaille la peine d’être consigné. Mais j’avais découvert très tôt que les autres opérateurs avaient du temps à tuer. Un soir, Ed Sokolsky, un opérateur chevronné de la deuxième équipe qui partageait la machine de Jack Starkey, à fait un commentaire à propos du travail de Jack :

«C’est juteux ! J’ai travaillé là-dessus et j’arrivais à en faire neuf à l’heure. J’ai compté mon temps : six minutes. » J’étais surpris. «À 35 cents la pièce, ça fait plus de 3,00 dollars à l’heure ! » «J’en avais pour dix heures, m’a dit Ed. Je faisais le boulot en quatre heures et je passais le temps le reste de la nuit. »

Si Sokolsky disait vrai, il «perdait » six heures par jour.

Ed a raconté qu’il pouvait dépasser 3,00 dollars à l’heure avec les deux machines sur lesquelles il travaille, mais qu’il pouvait en rendre seulement pour 1,40 dollar par heure, quelquefois pour 1,45 ou 1,50 dollar, avec les deux machines à la fois. Ed a dit qu’il bouclait toujours ses dix heures pour onze heures du soir et qu’il n’avait rien à faire jusqu’à trois heures du matin ; il a même quitté plus tôt, en chargeant quelqu’un de pointer à sa place. «C’est l’avantage du travail de nuit, a dit Ed. On peut faire le boulot rapidement et traîner après, et personne ne vous dit rien. Mais on ne peut pas s’en tirer comme ça dans l’équipe de jour, avec tous les gros bonnets dans le secteur. Jack est obligé de lambiner sur ses carters pour les finir au bout de huit heures, et c’est sûrement pénible. »

J’ai reçu les confidences du «Vieux Pete » , un autre «vétéran » :

«Une fois, quand ils m’ont chronométré sur des bielles, j’aurais pu en faire pour 20,00 dollars par jour, facilement. Il fallait que je les passe sur la machine à la vitesse minimum pour éviter d’en faire trop. Une autre fois, j’ai eu beaucoup de problèmes quand on me chronométrait, et ils m’ont donné 35,00 dollars pour cent pièces. Après, ils sont descendus à 19,50 dollars pour les cent et je me faisais quand même 9,50 dollars par jour. »

Si le Vieux Pete pouvait se faire 20,00 dollars par jour, c’est donc qu’il «perdait » quotidiennement quatre heures. C’est le 18 novembre que j’ai eu pour la première fois du temps «de trop » .

Aujourd’hui, j’ai fait ma tâche si facilement avec les socles que j’ai eu une heure de trop. Pour l’occuper, j’ai dû faire traîner en longueur la dernière étape du travail en prenant deux fois plus de temps que d’habitude pour faire 43 pièces.

Mais c’est seulement en mars, au moment où mon savoir-faire s’est amélioré tout à coup, que j’ai commencé à prendre de l’avance dans toutes les tâches, excepté les socles : à ce stade, ils perdirent rapidement leur intérêt de summum des «boulots juteux » . J’ai noté, le 22 mars, que j’avais traîné pendant une heure et demie – ce qui annonçait l’évolution future.

J’ai lambiné cette nuit à fabriquer seulement 89 pièces à ajouter à ma cagnotte de 40 pièces pour en rendre 129. Joe en avait 13 dans sa cagnotte et j’ai pensé que les 116 restantes suffiraient à peine à le fatiguer demain. J’ai fini ma dernière pièce à 9 h 30 et j’ai commencé à nettoyer ma machine vers 10 heures

42 J’ai remarqué que Tony aussi avait fini avant l’heure et qu’il traînait près de sa machine. Il m’a dit : «C’est la première fois que tu t’en es sorti, hein ? » Dick Smith m’a fait cette réflexion : «C’est le genre de travail que j’aime. Alors, je suis capable de me jeter là-dessus et d’y prendre plaisir. »

Le 7 avril, j’ai pu profiter de quatre heures de «temps libre » .

J’ai fabriqué 43 pièces en quatre heures, de trois heures à sept heures, ce qui fait à peu près 11 pièces à l’heure (ou 2,085 dollars). À sept heures, il restait seulement 23 pièces dans le lot, et je savais que ça ne me servirait à rien de me faire une cagnotte pour lundi si Joe enregistrait tout le reste du travail avant mon arrivée. Je n’ai pas pu prendre d’avance sur l’opération suivante (une cargaison de bielles) parce que, d’après les nouveaux règlements, il faut obligatoirement présenter une commande de travail au magasinier pour faire venir le matériel. J’étais donc coincé et je n’ai rien pu faire le reste du temps. J’avais 43 pièces, plus 11 dans ma cagnotte d’hier, sur un total de 54 à rendre. Je suis resté assis dans le secteur le reste de la soirée et personne n’a semblé s’en soucier parmi les chefs.

À l’approche du mois d’août, je suis devenu plus habile dans l’art de traîner et, dans mes notes, j’ai cessé de me plaindre d’avoir été coincé.

J’ai eu de la chance avec les alésoirs : à six heures, j’avais fini mes 26 pièces. J’en ai fait encore 10 pour ma cagnotte de lundi et j’ai terminé mon travail à sept heures. Pendant les quatre heures suivantes, je suis resté assis dans le secteur et j’ai parlé à plusieurs opérateurs.

J’ai atteint mon record de freinage le 27 juin avec seulement trois heures et demie de travail productif sur huit.

Une évaluation du freinage résultant du quota

L’importance du freinage consécutif au respect du quota par les opérateurs sur perceuses peut être estimé à partir de ma propre production. Pendant les dix mois durant lesquels j’ai tenu un journal, on m’a confié environ 75 opérations différentes, la plupart une seule fois, les autres entre deux et six fois. Pour 31 d’entre elles seulement, je m’en suis sorti. Parmi ces 31 tâches pour lesquelles je m’en suis sorti, 20 seulement m’ont permis d’atteindre le quota horaire de 1,25 dollar ou de le dépasser ; 5 autres m’ont rapporté des gains horaires qui se situaient au maximum entre 1,20 dollar et 1,24 dollar ; une, un gain maximal de 1,09 dollar ; 5 m’ont rapporté des gains inférieurs à 1,00 dollar (entre 85 et 99 cents). Le total des heures concernées par le quota a été de 497,8, soit un peu plus du tiers de toutes mes heures de travail aux pièces. En poussant l’effort au-delà des limites du quota pour trouver les réelles possibilités de gain, j’ai découvert que 16 de ces 20 tâches soumises au quota auraient pu me rapporter plus de 1,30 dollar l’heure ; avec les 4 autres, je n’ai pas été capable de dépasser 1,30 dollar. Par exemple, les «supports NT » : j’en ai fait pour 2,55 dollars pendant une heure de test, et pour 2,04 dollars en moyenne pendant toute une journée de huit heures. Avec les «douilles G » , j’étais capable de gagner 2,53 dollars ; les opérateurs expérimentés estimaient que ce travail pouvait rapporter 3,00 dollars l’heure. Il y a 4 autres tâches que j’ai pu réaliser à un taux supérieur à 2,00 dollars.

43 Avec 4 autres, je suis arrivé à 1,96 dollar ou au-dessus. Ces 16 tâches qui permettaient de dépasser le quota pouvaient rapporter, à 3 exceptions près, un gain horaire supérieur à 1,75 dollar. À côté de ces 16 tâches à production au delà du quota, j’en ai dénombré 4 pour lesquelles je m’en suis sorti mais sans atteindre le quota (gain maximum inférieur à 1,25 dollar), alors qu’elles offraient la possibilité de dépasser les limites du quota. Si je n’ai pas réussi à dépasser le quota, c’est que le démarrage avait été difficile pour ces quatre tâches et, comme elles ne m’ont pas été redonnées, je n’ai pas pu profiter de mes acquis. En les comptant, on arrive à un total de 20 tâches permettant de dépasser le quota. Avec un quota de 1,25 dollar l’heure, soit 10,00 dollars par journée de travail de huit heures, et une tâche qui rapporte en général 1,25 dollar sans dépassement notable, l’opérateur devra travailler huit heures pleines dans sa journée pour atteindre le quota. Mais si le travail rapporte 2,50 dollars, il n’aura besoin que de quatre heures pour gagner ses 10,00 dollars. Une tâche à 2,50 dollars est donc faite pour durer quatre heures et l’on peut considérer les quatre heures qui restent comme du temps perdu. Si l’opérateur continuait son travail au rythme de 2,50 dollars pendant huit heures pleines et s’il avait la possibilité de rendre les pièces produites, il gagnerait 20,00 dollars au lieu du quota de 10,00 dollars. Quand le quota est respecté, il y a donc un dommage financier pour l’ouvrier et une perte de temps de production pour l’usine. Le tableau 3 donne la liste des 20 tâches qui offraient la possibilité de gagner plus de 1,30 dollar l’heure. Pour chacune d’elles, le temps perdu et le manque à gagner sont calculés en fonction du gain maximal effectivement testé et du nombre total d’heures passées sur ce travail. Par exemple, l’opération «cliquets » , qui se trouve en tête de liste avec un total de 157,9 heures de travail, a montré, à l’essai, qu’elle pouvait rapporter 1,96 dollar à l’heure. À ce tarif, l’opérateur perd environ 36 % de son temps chaque fois qu’il se limite à rendre un nombre de pièces correspondant à 1,25 dollar l’heure. Le temps perdu au cours de ces 157,9 heures de travail a donc pu être évalué à 57,2 heures, c’est-à-dire plus d’un tiers du temps réellement effectué. Au tarif de 1,96 dollar l’heure, le gain aurait pu s’élever à 309,48 dollars ; au tarif du quota, à 1,25 dollar, on obtient un total de 197,38 dollars seulement, soit 112,10 dollars de moins. On voit que 286 heures ont été perdues en tout sur les 20 tâches, soit 36,4 % des 786,5 heures qui leur ont été réellement attribuées, ce qui représente un gaspillage de 2,9 heures par journée de travail de huit heures ou bien encore 35,75 jours gaspillés sur 98,3. Avec un salaire potentiel de 1 584,43 dollars pour les 98 jours et un salaire conforme au quota de 983,18 dollars, le manque à gagner pour l’ouvrier est de 601,25 dollars, soit 6,12 dollars par jour ou 76,5 cents l’heure. En poursuivant ce raisonnement, si l’ouvrier pouvait se libérer des contraintes pour ces 20 tâches, il gagnerait en moyenne 2,01 dollars au lieu de 1,25 dollar l’heure. Et comme les 786,5 heures de travail attribuées à ces tâches couvrent 58,2 % des 1350,9 heures de travail aux pièces de la période considérée, et 42,5 % du total de 1850,5 heures qui inclut les activités non rémunérées aux pièces, il est évident que le manque à gagner résultant du quota pourrait représenter à lui seul un

44 gaspillage considérable : sur un total de 1 850,5 heures, la perte est de 32,5 cents par heure !

TABLEAU 3 PERTE DE TEMPS ET DE SALAIRE SUR LES OPERATIONS QUI PERMETTAIENT DE GAGNER PLUS DE 1,30

DOLLAR L’HEURE

respecter les quotas

Pour étendre à tout le secteur du perçage les conclusions tirées de l’observation de mon propre comportement, il faudrait montrer : 1°) que j’avais un rendement «moyen » ; 2°) que la gamme des travaux qui m’étaient confiés était représentative de celles des autres opérateurs.

45 Parmi les ouvriers de mon équipe qui faisaient le même genre de travail que moi, quatre (McCann, Starkey, Koszyk et Sokolsky) étaient capables de produire davantage et me surpassaient à tous égards quant au savoir-faire. Sept m’étaient inférieurs sur ce plan, dont trois seulement (Smith, Rinky et Dooley) ont travaillé assez longtemps pour appartenir vraiment au groupe. J’étais donc à peu près dans la moyenne quant au savoir-faire et au genre de tâches qui m’étaient confiées. Les records de production qui ont servi de base au calcul des pertes correspondent seulement à des possibilités découvertes au cours d’essais relativement brefs. Mais si j’étais resté dans l’atelier assez longtemps pour que ces 20 tâches puissent m’être confiées de nouveau, il est vraisemblable que j’aurais pu atteindre couramment la plupart de ces scores et que j’aurais réussi à en dépasser plusieurs. Il est vraisemblable aussi que, si des changements intervenaient dans l’organisation du travail pour inciter les opérateurs à abolir les contraintes du quota et à «débrider » la production, les records découverts par l’auteur seraient rapidement améliorés grâce aux efforts du groupe. S’ils étaient suffisamment motivés, les meilleurs opérateurs mettraient en oeuvre leur savoir-faire supérieur, et les résultats de leur application influenceraient les autres ouvriers. À mon avis, l’évaluation des potentialités de la production se fonde sur un rendement qui est sous-estimé pour des raisons qui tiennent à une situation. On ne pourrait évidemment vérifier cette hypothèse qu’en observant l’effet de modifications expérimentales.

TABLEAU 4 TEMPS INOCCUPE PENDANT LES «TACHES SOUMISES AU QUOTA » : POURCENTAGE ET MOYENNE PAR JOUR

(PAR MOIS, DE MARS A AOUT 1945)

respecter les quotas

À l’appui des estimations qui précèdent, le tableau 4 propose une évaluation du temps que j’ai réellement perdu en respectant le quota. Mes 469,6 heures soumises au quota représentaient 60,9 % de mes 770,5 heures de travail aux pièces, et 41,8 % des 1123,2 heures de travail que j’ai totalisées pendant la période considérée. Avec une moyenne de 1,39 heures «perdues » , le travail réel durait en moyenne 6,61 heures dans une journée de travail soumise au quota. Étant donné le quota de 1,25 dollar par heure, ou de 10,00 dollars par jour, on peut dire que j’ai gagné 1,51 dollar pour chaque heure de travail réel sur les tâches soumises au quota pen

46 dant toute cette période de six mois. Si j’avais eu huit heures de rendement par jour à ce tarif, j’aurais gagné 12,08 dollars ; j’ai donc perdu 2,08 dollars par jour, soit 26 cents par heure sur ces tâches. Comme le travail concerné représentait 41,8 % de la durée totale du travail, le manque à gagner à cause du quota devrait en fin de compte s’élever à 0,87 dollar par jour, c’est-à-dire à peu près 11 cents par heure. Pendant les deux derniers mois de juillet et août, j’ai perdu au moins deux heures par jour sur ces tâches soumises au quota. En prenant ma production du mois d’août comme indice du savoir-faire acquis et des performances à venir si j’étais resté, on peut donc estimer que les pertes futures auraient été plus importantes. Avec 2,06 heures inoccupées, la durée moyenne du travail réel est de 5,94 heures par jour et le gain horaire pour ce travail réel atteint 1,68 dollar. À raison de 1,68 dollar l’heure, j’aurais gagné 13,44 dollars pour une journée complète de 8 heures ; dans ces conditions, le manque à gagner était de 3,44 dollars par jour et de 43 cents par heure. Comme les tâches soumises au quota représentaient 71,5 % du travail aux pièces pendant ce mois d’août, le manque à gagner s’élevait en fait à 2,46 dollars pour une journée aux pièces ; et comme elles représentaient 46 % de la totalité du travail, le manque à gagner était en fin de compte de 1,58 dollar par jour et d’environ 20 cents par heure. Ce manque à gagner pendant le mois d’août diminuerait légèrement si l’on remplaçait le quota admis de 1,25 dollar par la production réelle que j’ai rendue tout en respectant un quota. En réalité, j’ai gagné en moyenne 1,27 dollar pendant les heures de travail soumises au quota, soit 2 cents de plus que la moyenne envisagée pour une heure, et 16 cents de plus pour une journée. Les moyennes quotidienne et horaire du manque à gagner ainsi calculées s’élèveraient respectivement à 3,28 dollars et 0,41 dollar pour les tâches soumises au quota, et à 1,51 dollar et 0,19 dollar pour la totalité du travail.

Comment tirer au flanc en travaillant aux pièces

Quand il s’agissait des «boulots juteux » , les opérateurs atteignaient un quota et débrayaient ensuite. Avec les «boulots de merde » , ils faisaient le minimum d’efforts ; ils n’essayaient pas de rendre la production correspondant au tarif de base, ou bien encore ils travaillaient délibérément au ralenti. On considérait qu’il y avait de «bons » et de «mauvais » boulots, non pas en fonction de l’effort à fournir ni du savoir-faire requis pour arriver juste au niveau du score de base, mais selon que l’on pensait possible ou non d’obtenir une prime substantielle, en l’occurrence 15 cents au moins pour une heure de travail. Pour un quota de 1,25 dollar et un salaire de base de 85 cents, un gain de 1,00 dollar paraissait valoir la peine, mais pas un gain de 95 cents. L’attitude qui commandait ce type de limitation de la production peut se résumer en quelques mots : «À ce prix-là, ils ne vont pas tirer grand-chose de moi ! » Les lamentations sur le bas prix des pièces étaient constantes et générales dans l’atelier.

Les gars des tours à tourelles ont discuté sur la difficulté de «s’en sortir » . L’un d’eux a affirmé que la moitié du temps seulement un ouvrier peut atteindre le tarif de base de 84 cents sur sa machine. On a approuvé : «À quoi ça sert de pousser quand c’est déjà si difficile d’atteindre le tarif de base ? »

47 L’estimation de 50/ 50 % était à peu près conforme à mon expérience personnelle qui était de 49,6/ 50,4 %. C’était pessimiste, mais moins que la plupart des réflexions habituelles :

J’ai demandé à Jackson s’il arrivait à «s’en sortir » et il m’a fait la réponse habituelle : «Non ! » «Ils me demandent si ça va et je réponds toujours «O. K. » . En ce qui me concerne, j’arrive à m’en sortir. S’ils se mettent à me poser d’autres questions, je leur dirai que c’est un boulot de merde. » «Le type de l’équipe de jour ne s’en sort pas non plus. On a un tas de petites tâches, des petits lots. C’est impossible de s’en sortir quand on a tout le temps des petites tâches. » Joe avait une nouvelle tâche, ce soir, une étude de temps sur des petites pièces. Je lui ai demandé : «Un bon truc ? » Il m’a répondu : «Les bons trucs, c’est fini ! »

Apparemment, il n’existait pas de relation entre la capacité d’un individu à gagner beaucoup et son comportement devant les «boulots de merde » . Ceux qui atteignaient souvent le quota tiraient au flanc comme les autres sur les tâches ingrates, ainsi qu’on le voit dans ces extraits de mon journal :

Al McCann (celui qui atteignait le quota le plus souvent) a raconté qu’il faisait toujours un test avec une nouvelle tâche et que, si ça ne marchait pas, il prenait son temps. Ce soir, il n’a pas essayé de s’en sortir avec ses mandrins. Joe Mucha, celui qui prend le relais sur ma machine le jour, m’a dit en parlant d’un certain travail : «J’en ai fait seulement un de plus que toi. S’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à les faire eux-mêmes. Qu’ils aillent se faire voir ! Je ne vais pas me crever le cul pour un machin comme ça. » Le vieux Peter, l’ouvrier sur perceuse à broches multiples, a dit : «J’ai fait des pièces pendant 25 minutes pour voir combien je pouvais en faire. J’en ai fait 20 à 1,5 cents (ça fait 72 cents par heure). Alors je fume et je prends mon temps. Je ne peux pas m’en sortir, alors je m’en ... » Je vois bien qu’Ed Sokolsky, l’un des meilleurs opérateurs du groupe, ne s’acharne pas au travail quand il fait une opération qui ne lui permet pas de «s’en sortir » . Il prends son temps ou il quitte sa machine pour longtemps ; et Paul (le régleur) a toujours l’air de le chercher. Steve (le chef d’atelier) braille à longueur de temps «Où est-ce qu’il est encore fourré, Ed ? » ou bien «Tu viens, Ed, qu’il y ait un peu de production par ici ! » Ce soir, je l’ai entendu houspiller Ed une fois de plus : «Maintenant je veux que tu travailles à cette machine jusqu’à trois heures, compris ? » Prenons Mike Koszyk, considéré comme un as. Le tarif était mince (quelques cents pour une centaine de pièces) et le travail pénible. Il a fait seulement 9 pièces en trois heures. Quand Mike prend son temps, on peut dire qu’il le prend vraiment ! D’après Al, Jack Starkey a fait une moyenne de 40 cents à l’heure aujourd’hui, avec ses pièces de mandrins. Al a dit en riant : «J’ai l’impression que Jack n’aime pas ce boulot. » Gus Schmidt, qui est considéré comme le meilleur opérateur de l’équipe de nuit sur les perceuses à grande vitesse, a été chronométré au début de la soirée ; on lui a donné 1,00 dollar aux cent pièces pour aléser un trou, pour en chanfreiner trois autres des deux côtés, et pour en ébarber un autre à une extrémité. Tout ça pour un cent ! «Qu’ils aillent se faire voir » , a dit Gus, et il n’a pas essayé de «s’en sortir » .

48 En général, la perspective d’atteindre le tarif de base journalier n’incitait pas l’opérateur à se défoncer pour une tâche. Comme le remarquait un jour Mucha : «J’aurais pu m’en sortir, mais pourquoi se tuer pour le tarif de base ? » Une moyenne horaire inférieure ou même légèrement supérieure à 1,00 dollar était en général assimilée au «tarif de base » .

Aujourd’hui, Joe Mucha a percé 36 supports (à 8,80 dollars les 100). Il a dit : «Je n’en ferai jamais plus de 40 tant qu’ils n’auront pas revu la cadence. Tu sais qu’ils espèrent qu’on va en faire 100 ? Je me crèverais même pas le cul pour en faire 50 pour 8,00 dollars : c’est presque le tarif de base ! » On a donné à McCann des pièces à percer à 6,50 dollars les 100. J’ai remarqué qu’il travaillait d’arrache-pied et je me suis approché pour voir ce qu’il faisait. Il m’a demandé de lui calculer combien il devrait produire de pièces à 6,5 cents dans une heure pour se faire 1,20 dollar. Quand je lui ai répondu que ça faisait 18 ou 19, il a dit «Je laisse tomber » , et il a ralenti tout de suite. Quelques minutes plus tard, je l’ai rencontré dans les toilettes et il m’a dit : «J’ai pas envie de me casser pour ça pendant huit ou dix heures, même si je pouvais m’en sortir. Je pense que je vais essayer pendant une heure à peu près pour voir ce que je pourrai faire. » Il estimait qu’il en faisait pour 95 cents à l’heure. Au déjeuner, il a dit qu’il avait fait une moyenne de 1,00 dollar pendant les deux heures et il pensait qu’il allait peut-être essayer de «s’en sortir » .

Le travail au ralenti

La mauvaise humeur contre les prix du travail payé à la pièce, considérés comme trop bas pour permettre des gains proches du quota, se traduisait souvent par une tendance délibérée à produire moins encore qu’on ne l’aurait fait en se contentant de «flemmarder » . Cette façon de tirer au flanc se voyait surtout pour les tâches qui revenaient assez souvent et pour un gros volume de pièces. Devant une petite commande mal payée et qui ne concernait sa machine qu’une ou deux fois par an, l’attitude typique de l’opérateur était du genre : «Je ne vais pas me défoncer » , et le résultat restait inférieur à la norme standard. Mais devant une tâche importante et mal payée, qui revenait tous les mois ou tous les deux mois et qui exigeait le travail de plusieurs équipes dans la semaine – autrement dit, une tâche qui jouait un rôle de premier plan dans le programme de l’opérateur –, l’attitude avait toute chance d’être du type : «Pour si peu, je ferai marcher cette machine à son minimum et vous en aurez le moins possible ! » La «guerre des charnières » est un exemple de ce freinage délibéré sur une tâche importante et considérée comme mal payée. C’est une guerre qui a duré au moins neuf mois autour de la machine de Jack Starkey. Au cours de cette période, trois ouvriers ont pris le relais de Jack dans l’équipe de nuit ; dans l’ordre, Ed Sokolsky, Dooley et Al McCann.

19 décembre – Ça n’a pas marché pour Ed Sokolsky et Jack Starkey. De temps en temps, Ed se met à jurer, et il quitte sa machine pendant un bon moment. Les contremaîtres s’aperçoivent que la machine est arrêtée et Steve se met à gueuler. Ed dit qu’il travaille sur un «boulot de merde » . Je veux bien le croire parce qu’il ne se gêne pas pour le faire savoir quand il est sur un «boulot juteux » .

49 Ed a l’air d’avoir en permanence des problèmes avec son gabarit : c’est une pièce à mouvement rotatif fixée sur le côté de sa table. Apparemment, il y a deux disques qui se grippent. Il est toujours en train de manier le palan (à peu près tous les jours) pour démonter l’engin (qui est très lourd). Il meule les disques, il les graisse, et l’opération de nettoyage prend chaque fois plusieurs heures. Ce soir, une fois de plus, Steve a vu le gabarit en pièces détachées et il a braillé «Encore ? » . Ça ne lui plaît pas. Paul, le régleur, s’en mêle aussi quand il trouve le gabarit démonté et qu’Ed est parti on ne sait où. Il dit d’un ton exaspéré : «Où est-ce qu’il est encore fourré ? »

Février – J’ai remarqué Ed qui flânait, et je lui ai demandé s’il avait un boulot intéressant. Il a hoché la tête et il m’a dit qu’il faisait seulement 46 cents à l’heure, avec 2 pièces payées 23 cents.

26 février – Ce soir, Jack Starkey m’a raconté que la cadence a été revue sur les semelles de charnières mais qu’on n’a pas augmenté le prix. C’est toujours 23 cents la pièce. Je lui ai dit : «Tu n’as plus qu’à en faire 5 à l’heure pour arriver à 1,15 dollar. » «J’aimerais bien voir quelqu’un en faire 5 à l’heure, de celles-là » , m’a répondu Jack, «et avec une tolérance de 0,0005 ! » Plus tard, Ed Sokolsky m’a dit qu’ils en faisaient environ 24 en 10 heures, Jack et lui, et que les cadences pour cette tâche avaient été revues plusieurs fois mais qu’on n’avait jamais consenti d’augmentation. Ed et Jack ont demandé 38 cents la pièce. Ed a dit qu’ils pourraient en faire 3 à l’heure mais qu’ils en feraient 2 tant qu’ils n’auraient pas un prix convenable. À la fin de la soirée, j’ai remarqué que la machine était arrêtée et Ed était assis sur une caisse, à ne rien faire : «Qu’est-ce qui se passe, ils ne te donnent plus de travail ? » «C’est moi qui ai arrêté, m’a-t-il dit, j’ai pas envie de le faire. »

Mars – Dooley a encore travaillé sur les semelles de charnières ce soir. Il a reconnu qu’il pourrait tout juste «s’en sortir » , mais «pourquoi je me crèverais le cul pour le tarif de base ? On en fera 3 à l’heure ou moins tant qu’on ne sera pas mieux payés ! » Ce travail à 3-à-l’heure-ou-moins dure depuis des mois. À 23 cents, Dooley et Jack ont un rendement horaire de 69 cents (ou encore moins).

Mai – McCann a dit que Starkey avait discuté toute la journée le prix des semelles de charnières. Les types des Méthodes maintiennent qu’ils ne peuvent pas donner d’augmentation «parce que ces pièces vont sur des vérins qui sont vendus 14 dollars. » Ils ont l’intention de modifier l’installation et de réduire le prix. D’après McCann, Jack leur a dit que, s’il n’obtenait pas un prix convenable, il «s’en sortirait » mais que toutes les pièces iraient au rebut. «Jack se bagarre avec eux pour régler le problème » , a dit McCann. «Il arrête complètement sa machine et il discute. Moi, j’ai été écoeuré et je suis parti. » «Jack en a fait 28 aujourd’hui » , a continué McCann. «C’est trop, ça fait presque 3 à l’heure. Il faut qu’il fasse attention à lui s’il veut obtenir une augmentation. » Ce soir encore, Starkey a fabriqué des semelles. Je lui ai fait remarquer : «Je crois que tu reviens dans un boulot juteux ! » Il m’a répondu : «Ouais ! 69 cents à l’heure ! »

50 Ça n’a pas l’air non plus d’amuser McCann de faire les semelles de charnières. Il a l’air de s’ennuyer, il paraît fatigué et dégoûté toute la soirée. Sa journée de dix heures traîne en longueur. Il n’arrive pas à s’en sortir assez tôt et à se reposer après onze heures, pendant quatre heures ; il est obligé de rester à sa machine jusqu’à trois heures.

14 août – Al McCann était en train de travailler sur les semelles de charnières, ce soir ; c’est l’une des tâches qui le fait protester avec Jack sur la question du prix. Gil (le contremaître) est venu s’asseoir derrière lui, il est resté au moins une heure, et je voyais bien que ça ne plaisait pas à Al. Il travaillait sans interruption mais avec une lenteur voulue ; il ne regardait pas Gil et ne lui parlait pas. Al et Jack se sont mis d’accord pour freiner la production de ces pièces tant qu’ils n’auront pas obtenu un meilleur prix, et Gil était là probablement pour voir ce qu’Al était vraiment capable de faire. Je pense que Jack et Al pourraient s’en sortir, mais pas au rythme de 1,25 dollar à l’heure ; et ils limitent la production à moins de 80 cents. 16 août – Al m’a raconté qu’ils avaient obtenu une augmentation sur les semelles de charnières ; d’abord le prix est passé de 23 à 28 cents, puis à 31 cents. «Mais c’est encore trop bas. Comme ça, on peut en faire pour 94 cents à l’heure exactement. On essaie d’avoir 35 cents. On peut faire une pièce en 16 minutes exactement : à peine 4 à l’heure. On leur en a donné 3 à l’heure. »

Le freinage du travail aux pièces par les tire-au-flanc : un essai d’évaluation

Je suis resté au-dessous du tarif de base de 85 cents un peu plus d’une heure sur deux quand je travaillais aux pièces, mais je ne peux pas prétendre que j’aurais échoué à l’atteindre en dépit d’un effort maximum. J’ai eu seulement quelques occasions d’essayer de «m’en sortir » sans y parvenir, mais sans relâcher mon effort malgré l’échec. En règle générale, je me suis comporté comme mes compagnons. Je faisais une courte période d’essai d’une heure environ, et je modérais l’allure jusqu’au freinage caractérisé si la tâche n’offrait pas de «possibilités » . Il m’est même souvent arrivé de ne pas tenter le «galop d’essai » si l’on m’avait prévenu que j’avais affaire à un «boulot de merde » . Dans la mesure où les possibilités de production restaient indéterminées, l’importance de la limitation ne peut pas être évaluée. De temps en temps, en écoutant parler certains opérateurs, on avait l’impression qu’ils auraient pu «assurer » le tarif de base journalier s’ils avaient essayé. En disant «Pourquoi me crever le cul pour le tarif de base » , ils estimaient qu’ils justifiaient leur refus de persévérer pour donner leur maximum. Si l’on considère qu’ils évaluaient convenablement ce que la tâche concernée permettait de faire quand ils se déclaraient capables d’atteindre le tarif de base tant méprisé, alors le calcul est simple : l’ouvrier dont la production rendue en fin de journée correspond à une moyenne de 42,5 cents à l’heure, et qui se déclare capable de faire 85 cents, n’a travaillé que 4 heures sur 8 ; si cette production est de 21,25 cents, au lieu des 85 cents que l’ouvrier aurait pu faire, celui-ci n’a fourni que 2 heures de travail sur 8 et en a «perdu » 6. Il est assez facile d’évaluer le rendement de l’opérateur à 42,5 cents, 21 cents ou 10 cents à l’heure ; la difficulté réside dans l’incapacité où l’on se trouve de vérifier ses déclarations quand il parle de ce qu’il aurait pu faire.

51 Les observations que j’ai consignées permettent cependant d’estimer objectivement les pertes encourues dans un certain nombre de cas particuliers. Par exemple, les quatre opérateurs qui travaillaient à la machine de Jack Starkey avaient pris l’habitude de limiter la production des semelles de charnières à 2 ou 3 pièces à l’heure, ce qui avait donné lieu à deux augmentations de prix, de 25 à 28 cents, puis de 28 à 31 cents la pièce. Au tarif de 31 cents pratiqué en août et à la cadence de 3 pièces à l’heure, les ouvriers avaient un rendement de 93 cents, soit 7,44 dollars par journée de travail de 8 heures. En tant qu’opérateurs expérimentés travaillant sur une machine à équipements lourds, ils avaient un tarif de base spécial de 1,10 dollar l’heure ; leur score était donc inférieur de 17 cents au paiement réel. L’un des opérateurs concernés, Al McCann, disait qu’à l’essai, ils étaient capables de produire une pièce en 16 minutes exactement. À cette cadence, ils auraient pu fournir 3,75 pièces à l’heure et gagner 1,16 dollar, soit 9,28 dollars par jour. Le temps «perdu » pour la production peut donc être évalué à 1,6 heures par jour et le manque à gagner à 23 cents par heure. L’estimation de McCann s’est d’ailleurs révélée inférieure à la réalité puisque, quelques semaines plus tard, après avoir abandonné l’espoir d’une nouvelle augmentation, il «s’en sortait » facilement en 6 heures.

Ce soir, Al a dit qu’il «s’en sortait » avec les semelles de charnières ; il a dit qu’il avait été dégoûté vendredi, qu’il avait mis la vitesse supérieure et rendu 31 pièces pour un gain de 9,60 dollars (3 pièces et 7/ 8 à l’heure, soit 1,20 dollar). «C’était facile, aussi facile que les châssis. Maintenant, je m’en mords les doigts de ne pas avoir commencé plus tôt. Je n’ai eu qu’à changer la vitesse, de 95 à 130. J’en étais malade de tourner en rond toute la soirée ; ça me rendait dingue et j’ai décidé d’y arriver, quitte à surchauffer les outils. Mais ils ont bien marché pendant huit heures. À quoi ça sert d’en rendre pour 93 cents à l’heure quand c’est aussi facile d’en rendre pour 1,25 dollar ? De toute façon, ils n’augmenteraient pas le prix si on pouvait arriver à 93 cents. Maintenant ils vont peut-être le rebaisser. » Ce soir, Al a fait sa tâche facilement en 6 heures, en faisant durer les toutes dernières pièces pour aller jusqu’à 10 h 30.

Si l’on considère que McCann a rendu 31 pièces équivalant à un gain total de 9,60 dollars, soit une moyenne de 1,20 dollar à l’heure, pour sa première journée de «réussite » , on peut penser que cette «réussite » en 6 heures s’est ensuite régulièrement traduite par la réalisation du quota, c’est-à-dire 1,25 dollar. Un rendement de 32 pièces devait rapporter 9,92 dollars par jour, soit 1,24 dollar par heure ; terminée en 6 heures, cette production signifiait que McCann gagnait 1,65 dollar pour chaque heure de travail réel et qu’il «perdait » maintenant 2 heures par jour en respectant le quota. Si l’on compare ce gain de 1,65 dollar aux 93 cents que McCann gagnait quand il tirait au flanc, il est clair qu’il a «perdu » 3,5 heures de travail par jour chaque fois qu’on lui a donné à faire des semelles de charnières ; le manque à gagner était donc antérieurement de 72 cents par heure et de 5,76 dollars par jour. (En fait, le manque à gagner était inférieur à cela si l’on entend par «gain » le «salaire réel » et non la «production rendue » , puisque le tarif de base avait été relevé à 1,10 dollar. Sa perte personnelle doit donc être diminuée de 17 cents par heure : elle s’élève à 55 cents, soit 4,40 dollars pour une journée de travail.)

52 Lorsqu’il tirait au flanc, McCann estimait qu’il pouvait faire une pièce en 16 minutes, ce qui veut dire qu’il entrevoyait la possibilité de produire 3,75 pièces à l’heure et de gagner 1,16 dollar. Mais, incité par la prime au rendement, il a produit en réalité 5,33 pièces à l’heure et il a gagné 1,65 dollar par heure de travail réel. S’il est permis de se fonder sur la différence entre la production prévue et la production réelle de McCann pour procéder à une généralisation, l’ouvrier qui se prétend capable de faire le tarif de base de 85 cents, et qui n’a pas essayé d’y parvenir, pourrait finalement grimper à 1,21 dollar par heure. En d’autres termes, quand un opérateur entrevoit la possibilité d’atteindre le tarif de base journalier, c’est qu’il est capable de gagner le quota. Mon expérience semblerait le prouver. Si je voyais qu’une tâche me permettait de «m’en sortir » , cette découverte me donnait envie de «tordre le cou » à cette tâche particulière pour gagner le quota. C’est bien ce que montre la structure bimodale de la production : mes heures rémunérées au tarif du quota représentent 75 % des heures où je «m’en suis sorti » en travaillant aux pièces ; encore y avait-il, dans ces heures où je «m’en suis sorti » , des opérations de courte durée qui ne m’ont été données qu’une fois et qui n’ont pas été «testées » de façon suffisante. D’après ce que disaient les opérateurs de l’équipe, le point critique pour «mettre le paquet » se situait à 1,00 dollar l’heure, mais il est bien possible que l’exécution énergique de tâches estimées à 85 cents aurait permis d’atteindre le quota convoité. En suivant cette logique, quand un ouvrier limite sa production à 68 cents par heure tout en se croyant capable d’atteindre les 85 cents, on peut dire que, «potentiellement » , il ampute sa production de 44 % et non des 20 % supposés au départ.

Tirer au flanc en travaillant à la journée

Les opérateurs qui ne travaillaient pas «aux pièces » mais «à la journée » , adoptaient presque toujours le système de limitation de la production du tire-au-flanc. Ils avaient en tête une estimation approximative de la production qui, à leur avis, tomberait bien au-dessous des niveaux fixés dans le cadre du «tarif journalier » le jour où les tâches qui n’étaient pas payées aux pièces seraient chronométrées et tarifées. Il y avait deux sortes de tâches en dehors du travail aux pièces dans cet atelier : «l’étude des temps » et «les retouches » . Les tâches soumises à une «étude de temps » étaient les tâches nouvelles dont les temps et les prix n’avaient pas encore été fixés, ou bien les tâches dont le prix avait été «annulé » . Dans les deux cas, le chronométrage et la tarification à la pièce étaient attendus sans délai. Les «retouches » consistaient à traiter les pièces défectueuses qui étaient considérées comme récupérables. Aucune prime n’était prévue ni espérée pour ce genre de travail mais on appliquait des règles approximatives pour limiter le rendement. J’ai travaillé 300 heures à l’étude des temps et 53 heures aux retouches, soit 16 % et 3 % de la totalité de mon temps de travail. J’ai donc employé un cinquième de mon temps environ à autre chose que le travail aux pièces. Pendant cette partie de l’emploi du temps, on pouvait à coup sûr compter sur l’opérateur pour tirer au flanc. Un petit conseil de McCann, qui était à ce moment-là régleur de l’atelier et particulièrement bien informé du fonctionnement de la production dans son secteur, résume bien l’attitude générale :

53 Il s’agissait une étude de temps sur une tâche qui consistait à percer et à tarauder un trou de vis d’arrêt sur des pignons. «Prends ton temps » , m’a dit McCann.

J’avais déjà cinq mois d’expérience à l’atelier et je ne voyais pas l’utilité d’un tel conseil. Même avec un effort d’imagination, on ne pouvait pas définir mon allure habituelle autrement que comme «modérée » quand je travaillais à une étude de temps. Mais, sous la tutelle expérimentée de McCann, je découvris qu’il y avait des degrés dans l’art de tirer au flanc et que, pour ce type de travail, «baguenauder » , c’était déjà dépasser les normes des travailleurs.

McCann m’a fait démarrer à 95 avec le foret et le lameur, et à 70 avec la chanfreineuse et les tarauds. Je lui ai demandé : «C’est pas trop lent pour le foret ? » «Ça suffit largement pour étudier les temps avec une matière aussi coriace. Continue comme ça jusqu’à ce qu’ils augmentent ta vitesse. Si tu vas trop vite aujourd’hui, tu n’auras pas un bon prix quand le temps sera fixé. »

L’allure paraissait encore trop rapide à Gus Schmidt, qui observait de la machine voisine.

Schmidt m’a dit plus tard dans la soirée : «Tu ne vas pas trop vite avec cette étude de temps ? » Je ne pensais pas que j’allais très vite et je le lui ai dit. «Ouais, peut-être que ça paraît rapide parce que tu fais un travail régulier. Il faut que tu freines avec l’étude des temps, ou alors tu n’auras pas un bon prix. Ils regardent le relevé de ce que tu as fait aujourd’hui et ils le comparent avec la vitesse au moment du chronométrage. Ils sont malins, les chronométreurs ! » À la fin de la soirée, j’ai accéléré à 95 avec les tarauds et la chanfreineuse. C’était trop lent pour moi et, réellement, ça m’épuisait de tourner en rond à attendre que les tarauds aient traversé les pièces. J’avais les jambes fatiguées au bout de ma journée, et pourtant je n’avais pas travaillé dur.

Quand il s’agit d’une étude de temps, le comportement du tire-au-flanc n’est pas facile à distinguer du «respect du quota » , même pour quelqu’un de la même équipe. Un jour, j’ai remarqué que Tony, l’opérateur sur perceuse à grande vitesse, «perdait son temps » , et je lui ai demandé s’il s’en était déjà sorti. Tony était mon voisin mais, sans les informations qu’il m’a données, je n’aurais pas pu savoir qu’il tirait au flanc sur une étude de temps et qu’il n’était pas en train de se relaxer après avoir atteint le quota. Pour identifier le comportement d’un opérateur «qui ne fait rien » , l’observation occasionnelle ne suffit pas ; il faut avoir des informations supplémentaires. Dans certaines circonstances, lui-même peut se tromper sur la nature de sa propre limitation de la production. Il peut croire qu’il traîne sur une étude de temps alors qu’en réalité, il lambine sur un travail aux pièces.

En arrivant au travail, j’ai découvert que pour ma tâche d’hier, sur les socles, la cadence avait été fixée. Joe m’a dit : «Je vois que tu ne t’en es pas sorti, hier. » J’avais rendu 60 pièces payées 4,90 dollars les cent, c’est-à-dire que j’avais fait une journée d’à peine 3,00 dollars. À un prix pareil, j’étais content de ne pas avoir su que la cadence était déjà fixée.

Le freinage dans les retouches

À propos des «retouches » , j’ai reçu des conseils pour m’inciter à produire au même rythme que pendant les études de temps.

Joe a fini les engrenages et j’ai passé une soirée tranquille à une étude de cadence et à des retouches. La première tâche consistait à faire quinze chaises d’engrenages pour étudier la cadence, la deuxième à réparer un corps de vérin. Quand j’ai dit à Al que j’étais sur une retouche, il m’a répondu : «Bon, tu as toute la nuit pour finir. Quand ils te donnent une retouche, ça veut dire qu’ils ne t’ont rien trouvé d’autre à faire. » «Tu crois qu’ils s’attendent à ce que j’y passe toute la nuit ? » McCann a hésité : «Non, je n’ai pas dit ça, mais tu peux prendre ton temps » . Vers dix heures., Paul (le régleur) a dit qu’il ne fallait pas se presser : «À ce train-là, on en fait trop, des retouches comme ça. » Quand Ed Sokolsky a appris qu’on en avait fait quatre, il a été surpris. Il nous a dit : «Je n’en aurais pas fait autant. »

Essai d’évaluation de la limitation de la production dans le travail non remunéré aux pièces

On peut avoir une idée de l’importance du freinage pratiqué dans les activités qui n’étaient pas rémunérées aux pièces, en comparant ma production sur une même tâche avant et après le chronométrage et la tarification. Un jour, on a fait une étude de temps sur des rouages. J’ai suivi les conseils de McCann, le régleur, et de Schmidt, un opérateur de l’équipe, de ne pas me presser, et j’ai rendu 64 pièces en tout dans ma journée. Le lendemain, je suis arrivé au travail pour découvrir que le taux avait été fixé à 7,95 dollars les cent. Joe Mucha trouvait que c’était une bon boulot ; moi, j’en doutais.

Il m’a dit : «C’est une bon boulot. Ils m’ont mis un taux de 1,20 dollar à l’heure et ça a marché juste comme ça. Tu peux en faire 16 à l’heure. Mais attention maintenant, ne leur en donne pas trop ! » Je l’ai rassuré : «T’en fais pas, je n’arriverai sans doute pas à 100. » Mes 64 de la veille m’avaient donné l’impression que je devrais pousser à fond pour en faire 100 (1,00 dollar à l’heure).

J’avais sous-estimé la tâche. J’ai atteint un record de I, 83 dollar, c’est-à-dire 23 pièces à l’heure, et j’ai terminé 150 pièces en 7,5 heures, soit un gain de 1,59 dollar en moyenne pendant le temps de travail réel.

Après le déjeuner, j’ai voulu voir combien je pouvais en produire. Je suis arrivé à en terminer 12 en une demi-heure mais je n’ai jamais réussi à dépasser 23 pour une heure entière. Les vitesses étaient réglées à 225 pour les forets et à 95 pour les autres outils, exactement comme la veille quand j’avais quitté le travail. À 10 h 30, j’avais terminé 150 pièces.

Au tarif de 7,95 dollars les cent, les 64 pièces que j’avais produites pendant l’étude de temps représentaient un score moyen d’environ 64 cents à l’heure. Comme je m’attendais à produire 100 pièces par jour au maximum en y mettant tous mes efforts, on pouvait estimer que le freinage pendant l’étude de temps était de 36 %, soit une «perte » de près de 36 cents par heure et de 2,86 dollars par jour, et un «gaspillage » de 2,9 heures par jour. Mais avec une production effective de 20 piè

55 ces à l’heure pendant 7,5 heures, soit 160 pièces pour une journée complète, le freinage du premier jour s’élève finalement à 60 %, ce qui correspond à 95 cents par heure, à 7,63 dollars pour la journée et à un «gaspillage » de 4,8 heures. Avec une production «potentielle » de 23 pièces à l’heure et de 184 pièces par jour, on arrive à un freinage de 65 % pour ce premier jour, ce qui représente une «perte » de 9,55 dollars, soit 1,19 dollar par heure, et un «gaspillage » de 5,2 heures.

Résumé et conclusion

Ces estimations du freinage n’ont qu’une valeur indicative pour apprécier l’importance du temps perdu par les ouvriers qui travaillent aux pièces dans les ateliers de mécanique. Le «gaspillage » est certainement considérable. J’ai montré que j’avais moi-même «perdu » 1,39 heures par journée de travail de 8 heures, pendant six mois, en respectant un quota. Pendant mes 469,6 heures de travail soumises au quota, j’ai été «productif » à 83 %, si je me réfère à mes propres possibilités, c’est-à-dire que j’aurais pu augmenter ma production de 21 % en renonçant aux contraintes du quota. Si mon gaspillage quotidien de 2 heures pendant mes deux derniers mois de travail est conforme au comportement des opérateurs chevronnés, leur productivité serait alors de 75 % et la production pourrait être immédiatement augmentée de 33,3 % sur les tâches soumises au quota. Bien plus, en me livrant à des essais avec vingt tâches qui représentaient 58 % de mon travail aux pièces pendant une période de dix mois, et qui m’offraient la possibilité de gagner plus que le quota, j’ai pu estimer à 2,9 heures par jour «la perte potentielle » imputable au respect du quota. Dans ce cas, la productivité était réduite à 64 % de son potentiel et la production pouvait être augmentée de 57 %. D’autre part, en observant le comportement des opérateurs de mon équipe, j’ai pu apprécier avec une certaine objectivité l’importance de la limitation de la production qu’ils pratiquaient en tirant au flanc sur les tâches pour lesquelles ils ne «s’en sortaient pas » . J’ai montré comment quatre opérateurs sur perceuses avaient limité leur production avec un taux de «gaspillage » de 3,5 heures sur 8, comme l’a prouvé ultérieurement la production de l’un d’entre eux quand il a cessé de tirer au flanc. Ils étaient productifs à 56 % et leur production aurait pu augmenter immédiatement de 78 %. Mais dans ce cas précis, ils n’auraient pas fait le plein de leurs possibilités en renonçant simplement à tirer au flanc puisqu’ils seraient tombés sous la contrainte du quota avec une productivité bloquée à 75 %. Enfin, j’ai essayé d’évaluer les conséquences du fait de tirer au flanc pendant le travail payé à la journée, un comportement qui ressemblait à s’y méprendre à celui des tire-au-flanc du travail aux pièces. J’ai comparé pour cela ma production sur une tâche donnée, avant et après la fixation d’un taux. Avant, la productivité a pu être évaluée tout au plus à 40 % – peut-être 35 % – de son potentiel, c’est-à-dire qu’on peut «miser sans risque » sur une augmentation de la production de 150 % et envisager même une augmentation de 186 %. Mais, comme dans la situation précédente qui concernait le travail aux pièces, on se heurte au respect du quota, et ces possibilités ne se réalisèrent jamais. Ces estimations se limitent au comportement des opérateurs. On n’a pas examiné les pertes de temps imputables aux contraintes, parfois importantes, exercées par les

56 employés des «services » comme les magasiniers, les responsables de l’outillage et les contrôleurs. De même, les divers manquements de l’encadrement dans l’atelier n’ont pas été mentionnés. Un inventaire plus complet devrait inclure aussi le «travail » des membres de la direction aux niveaux supérieurs, dont les multiples innovations en matière d’organisation, règlements, ordres et grandes déclarations, destinées à accélérer les processus de production, avaient pour effet, en réalité, de réduire l’efficacité de la main-d’oeuvre. En réservant la rigueur de son examen aux seuls opérateurs sur machine, l’observateur a constaté l’existence d’une limitation de la production d’une grande ampleur. Il n’est donc pas surprenant que les changements d’organisation expérimentés dans l’industrie sidérurgique, sous l’impulsion du génie de Joe Scanlon6, aient eu des résultats «extraordinaires » . Le concept de «résistance culturelle » serait plus évocateur que celui de «retard culturel » pour décrire la façon dont certaines pratiques de notre industrie peinent à suivre le progrès technologique. Notre organisation du travail est en général si primitive qu’il n’est pas nécessaire que les anthropologues essayent de justifier leur intérêt pour le monde de l’industrie «moderne » .

1. Roy Donald: Restriction of Output in a Piecework Machine Shop, thèse de Ph. D. de sociologie, University of Chicago, 1952.

2. Burawoy, Michael: Manufacturing Consent: Changes in the Labor Process under the Monopoly Capitalism. Chicago and London, The University of Chicago Press, 1979. Cf. p. 35-39; le document de Geer cité est reproduit p. 36-37.

3. Cf. Gillespsie, Richard: Manufacturing Knowledge. A History of the Hawthorne Experiment,

Cambridge, Cambridge, University Press, 1991, chap. 6, et Index, «bogey». Gillepsie emploie en effet plutôt le terme «bogey», repris des document de l’enquête (cf. p. 139, note 19). Ce terme, utilisé tel quel en français dans le jeu de golf, signifie plus généralement, en anglais, un but à atteindre, exprimé par une formule numérique, dans une compétition.

* Pour la traduction du terme «quota restriction» qui figure dans le titre, voir les remarques de traduction dans le texte de présentation supra.

** Traduction de l’anglais par Josée Tertrais-Delpierre de l’article de Donald Roy: (1952) «Quota Restriction and Goldbricking in a Machine Shop», American Journal of Sociology, 57 (5): 425-442. La révision finale a été effectuée, compte tenu des suggestions dont ils sont redevables à Alain Chenu et Jean-Pierre Schmitz, par Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie, qui assument la responsabilité des choix de traduction finalement adoptés.

1. Dans la thèse que j’ai soutenue à l’Université de Chicago, j’analyse la littérature sur ce sujet, ainsi que d’autres cas que j’ai étudiés en assumant ouvertement le rôle de chercheur. Cf. aussi Daniel Bell, «Exploring Factory Life», Commentary, Janvier 1947; Herbert Blumer, «Sociological Theory: Industrial Relations», American Sociological Review, XII, juin 1947: 271-78; Wilbert Moore, «Current Issues in Industrial Sociology», American Sociological Review, XII, décembre 1947: 651-57.

2. Je ne tiens pas compte de mes quelques jours de travail en septembre 1945, à cause des perturbations introduites à ce moment-là par la réorganisation de l’atelier.

3. Fritz Roethlisberger; J. Dickson, Management and the Worker, Cambridge, Harvard University Press, 1939.

4. Elton Mayo, Human Problems of an Industrial Civilisation, New York, Macmillan Co., 1938: 119-121.

5. John Mills, qui a été ingénieur-chercheur en téléphonie et qui a fait partie du personnel de la Bell Telephone Company pendant cinq ans, a récemment déclaré qu’il pouvait y avoir, dans la situation de l’atelier de câblage, des facteurs que l’équipe de Mayo n’avait pas réussi à détecter: «On suppose que la rémunération est directement proportionnelle au rendement. Je me rappelle la toute première fois que je suis revenu de cette fiction. Je visitais la Western Electric Company qui avait la réputation de ne jamais baisser le prix d’un travail aux pièces. Et c’était vrai: si on s’apercevait qu’un processus de fabrication payait plus qu’il ne fallait pour la catégorie de main-d’oeuvre employée •c’est-à-dire si les responsables des calculs s’étaient trompés •on soumettait cette tâche particulière aux ingénieurs pour qu’ils en modifient la conception, et de nouvelles conditions étaient mises en place pour la nouvelle tâche. Autrement dit, les ouvriers étaient payés en tant que catégorie, et censés recevoir environ tant par semaine s’ils s’appliquaient •et, sinon, moins, évidemment.» The Engineer in Society,

New York: D. Van Nostrand & Co., 1946: 93.

6. John Chamberlain, «Every Man a Capitalist», Life Magazine, 23 décembre 1946; Russell W. Davenport, «Enterprise for Everyman», Fortune, Juin 1950.

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La réglementation « volontaire » s’avère peu efficace sur le respect des quotas de femmes dans les conseils d’administration

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Selon une étude de la City's Business School (école de commerce de la City University of London), une entreprise qui est tenue par la législation nationale de respecter un quota minimum de femmes dans son conseil d'administration montre des compétences plus élevées et une plus grande diversité par rapport à une entreprise opérant dans un pays où une telle loi n’existe pas.

Sonia Falconieri, lecteur en finance et Chiara De Amicis, doctorante en finance de la City's Business School avec Moez Bennouri du Montpellier Business School, ont étudié la participation féminine aux conseils d'administration de sociétés cotées en Grande Bretagne, France et Italie sur la période de 14 ans.

Chaque pays dispose de ses propres lois sur les quotas de femme, comme suit :

  • Royaume-Uni - un ratio volontaire et souple d'au moins 25 % de représentation féminine dans les conseils d'administration du FTSE100 (cent entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la bourse de Londres) a été recommandé par le rapport Davies de 2011, puis modifié à 33 % en 2015. Il a également été conseillé au FTSE250 d'atteindre ce taux d'ici 2020.
  • France - Les quotas des femmes dans les conseils d’administration mis en place en 2011 exigeaient que les entreprises cotées et non cotées de plus de 500 employés et de plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires aient un minimum de 20 pour cent de représentation féminine dans leurs conseils d'administration. Ce taux est passé à 40 pour cent en 2014. Le non-respect de cette obligation entraîne l'annulation des nominations au conseil d'administration et la suspension du paiement des jetons de présence.
  • Italie - Des quotas sont entrés en vigueur en 2012, exigeant des sociétés cotées en bourse qu'elles aient au moins 20 % de représentants de chaque sexe lors du premier renouvellement de leur conseil d'administration, et 33 % après le deuxième renouvellement.  Le non-respect de cette obligation entraîne de lourdes amendes, voire l'annulation potentielle des mandats d'administrateur.

L'étude a montré que l'introduction d'une réglementation était le principal catalyseur de l'augmentation de la présence des femmes dans les conseils d'administration, ce phénomène étant nettement plus marqué en France et en Italie dans le cadre de régimes obligatoires plutôt que volontaires. Les données recueillies ont également montré une nette augmentation de la conformité avec la législation en vigueur.

Une autre étude réalisée pour déterminer la « qualité » de ces conseils d'administration dans le cadre des lignes directrices sur les quotas de femmes n'a montré aucune détérioration et même, dans plusieurs cas, une amélioration lorsque les quotas étaient obligatoires.

D’après Sonia Falconieri de la City’s Business School : «  La diversité des conseils d'administration est cruciale pour le succès et la durabilité d'une organisation. La crise pandémique actuelle risque de voir les pays qui n'appliquent pas de quotas sur la diversité de genre faire un grand pas en arrière en termes de représentation féminine au sein des conseils d'administration. Notre étude démontre que les entreprises sont plus conformes à la réglementation sur la diversité de genre dans les conseils d’administration si elle est imposée. En outre, nous ne trouvons aucune preuve suggérant que « la qualité » des conseils d’administration, normalement associée à un contrôle efficace, se détériore en vertu de cette réglementation obligatoire ».

«  Malgré cela, la réglementation sur les quotas de femmes n'a pas encore eu un impact positif global sur la nomination de femmes cadres ou présidentes de conseil d'administration, ce qui reste un grand défi et un obstacle à l'égalité de genre  », poursuit la chercheuse.

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Lex Inside du 5 octobre 2023 :

Lex Inside du 29 septembre 2023 :

Dimanche 8 octobre, le Palais de la Porte Dorée fermera exceptionnellement ses portes à 16h (dernier accès aux espaces de visite à 15h).

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Qu’entend-on par "politique des quotas" ?

En France, la politique des quotas visait à limiter l’immigration, en fonction de la nationalité ou de la qualification, pour favoriser l’emploi des nationaux. Elle a été appliquée dans les années trente (loi du 10 août 1932 qui accordait la priorité au travail des citoyens français dans l’industrie), mais n’a pas été retenue dans les Ordonnances de 1945 qui ont fixé le cadre juridique des politiques d’accueil et de séjour des étrangers.

Une immigration choisie pour une intégration réussie, Georges Wolinski © Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration

Une politique relancée

C’est le candidat puis le président Nicolas Sarkozy qui a relancé cette politique dite des quotas. Elle vise alors à contingenter chaque immigration, soit par profession soit par l’origine nationale des immigrés, soit par "catégories", c’est-à-dire en distinguant les immigrations familiale, étudiante ou professionnelle. L’objectif étant de favoriser cette dernière sur la première. Depuis 2016, le Passeport Talent qui vise à attirer la main d’œuvre qualifiée, ne parvient pas à répondre aux besoins en emplois de l’économie française. Plusieurs secteurs d’activités sont régulièrement en tension (filières agroalimentaire, industrielles, le BTP ou la restauration) laissant vacants quelques 100 à 150 000 emplois et ce malgré l’augmentation de l’immigration professionnelle depuis plusieurs années. C’est pour répondre à ce besoin qu’en 2020, s’inspirant du modèle canadien, un rapport de la Cour des comptes préconisait de recourir à une politique de quotas pour l’immigration professionnelle  « autour de cibles quantitatives pluriannuelles fondées sur les niveaux de qualification et les secteurs professionnels ». La différence avec les politiques en vigueur, réside dans le fait qu’au lieu de fixer des quotas en fonction d’« objectifs chiffrés » d’immigration professionnelle à partir de la liste des métiers en tension, la Cour propose que les travailleurs étrangers candidatent sur la base de leur qualification, et plus à l’initiative de l’employeur.

Une politique en débat

En juillet 2009, la Commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration, présidée par Pierre Mazeaud, estimait que les quotas «  seraient irréalisables ou sans intérêt  ». Inapplicables pour l’immigration irrégulière, ils pourraient, selon la commission, favoriser la venue d’immigrants nouveaux, incités à venir satisfaire les contingents fixés par les pouvoirs publics. Par ailleurs, en matière d’immigration professionnelle, la législation existe déjà qui encadre l’emploi de nouveaux immigrés. Enfin, la politique visant à limiter le nombre des entrées pour motif familial demeure quant à elle soumise au respect des conventions internationales et au « droit constitutionnel à une vie familiale normale ». Pour les sages, il était alors plus judicieux de favoriser les va-et-vient entre le pays d’origine et la France et ainsi rompre avec des politiques publiques vieilles de près de quarante ans. Sans aller jusque-là, le Président Macron déclarait au quotidien La Voix du Nord, le 1er février 2022 : «  les quotas, ce n’est pas réaliste. On ne saurait pas les tenir. (…) Nous sommes collectivement hypocrites : des filières ont besoin d’immigration. Notre volonté, c’est d’abord de pousser les demandeurs d’emploi et bénéficiaires du RSA vers celles-ci et d’avoir une politique incitative, via les réformes de l’apprentissage et de l’assurance-chômage  ».

Mustapha Harzoune, 2022

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  • 1. Le contexte
  • 2. Le débat des experts
  • 3. Le débat des lecteurs
  • 4. Pour aller plus loin

respecter les quotas

Parité aux postes de direction : les quotas sont-ils la bonne solution ?

📋  le contexte  📋.

  • Des quotas pour la représentation publique...
  • Aux quotas dans les entreprises ?
  • Solution ou fausse bonne idée ?

Le quota est défini comme un contingent , un pourcentage déterminé, imposé ou autorisé. Dans le contexte de la parité en entreprise, il s’agit donc d’un pourcentage minimum de femmes que les entreprises sont légalement obligées de respecter.

Les quotas de femmes apparaîssent en France à la fin des années 1990 avec le début des lois paritaires , en particulier la loi électorale de 1999 qui prévoit une égalité obligatoire des candidatures pour les scrutins de liste et même une alternance des candidats de chaque sexe sur les listes.

Les entreprises françaises semblent en retard au sujet de la parité : seule une entreprise du CAC40 est dirigée par une femme, et les comités exécutifs et comités de direction des entreprises françaises ne comportaient que 21% de femmes en 2020.

La loi Copé-Zimmerman de 2011 impose 40% de femmes dans les conseils d’administration, une première pour le secteur privé. Toutefois, les quotas n’y font pas l’unanimité. Les détracteurs des quotas appellent à la patience en défendant le (lent) progrès des entreprises grâce à une auto-régulation de l’offre de candidats aux postes de direction par la constitution d’un vivier de femmes depuis l’arrivée de ces dernières sur le marché du travail.

Entre crainte de nommer quelqu’un de moins qualifié « parce que c’est une femme » et une frustration grandissante devant l’écart frappant de représentation entre femmes et hommes dans les entreprises, la question n’est pas simple.  

Une proposition de loi du 8 mars 2021, portée par LREM et la députée Marie-Pierre Rixain, soutient l’imposition de quotas en entreprise. Les entreprises de plus de 1000 salariés devraient poster une photographie genrée des 10% des postes à responsabilité de l’entreprise. La proportion de femmes sur cette photographie devrait être portée à 30% en 2027 et 40% en 2030, sans cela, une amende de 1% de la masse salariale sera infligée à l’entreprise.

🕵  Le débat des experts  🕵

  • Pour - les quotas sont une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction.
  • Contre - les quotas ne sont pas une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction.
  • Je ne sais pas.
  • Contre - les quotas ne sont pas une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction. 53%, 108 votes 108 votes 53% 108 votes - 53% du total
  • Pour - les quotas sont une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction. 40%, 82 votes 82 votes 40% 82 votes - 40% du total
  • Je ne sais pas. 7%, 14 votes 14 votes 7% 14 votes - 7% du total

Grâce à la loi du 27 janvier 2011, appelée aussi loi « COPE-ZIMMERMANN » et l’adoption de quotas pour permettre un égal accès des femmes et des hommes aux instances de gouvernance des grandes entreprises, la part des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées du SBF 120 est, en 2020, de 45,2% et de 44,6% pour le CAC 40. C’est indubitablement un succès si l’on compare aux 10,7% de femmes présentes dans ces enceintes en 2009. Seulement, l’effet de ruissellement attendu de ces dispositions concernant les conseils d’administration jusqu’aux instances de décision de ces mêmes entreprises n’est pas au rendez-vous. En 2020, les femmes ne sont que 21% à siéger dans les comités exécutifs ou comités de direction des entreprises du SBF 120, contre 17% en 2017. A ce rythme, il faudrait attendre 2053 pour atteindre la parité*.

Sans quotas, il n’y a pas de résultats. C’est pourquoi, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes plaide également pour la mise en place de quotas au sein des comités. Bien sûr, compte-tenu de la composition de ces espaces, réunissant des directeurs et directrices en poste, il convient de procéder par étapes, de manière progressive. Concrètement, le HCE préconise 20% de femmes en 2023 et 40% en 2025 dans les grands comités (comprenant 8 membres ou plus) ou bien, pour les plus « petits » comités, 1 femme en 2023 puis un écart maximal de deux en 2025. C’est-à-dire, s’il y a 5 membres dans le comité, il devra y avoir 3 hommes-2 femmes ou 3 femmes-2 hommes (s’il y a 8 membres, c’est la règle des 20% et 40% qui s’applique). De telles dispositions devraient tout autant concerner des secteurs mixtes que des secteurs encore aujourd’hui à prédominance masculine ou féminine afin d’inciter toutes les grandes entreprises cotées à poursuivre leurs efforts en matière de mixité. 

Pendant longtemps, l’argument de la non-existence juridique des comités a été avancé pour exclure toute avancée dans ce domaine. Aujourd’hui, il ne tient plus. En inscrivant ces comités dans le Code de commerce, la loi dite « AVENIR » de 2018 a en effet ouvert cette possibilité. Plusieurs études menées auprès des entreprises montrent également que cette idée est en train de germer tant dans l’esprit des salarié.e.s que des personnes décisionnaires. 

L’accès des femmes aux postes de responsabilité fait partie intégrante des leviers à actionner pour parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et la parité est un outil de transformation sociétale profonde pour y parvenir. Le temps est venu de faire un pas supplémentaire vers le partage du pouvoir dans le secteur économique.

*Source : cabinet Ethics & Boards

Peut-on remplacer une discrimination par une autre à travers une loi qui formalise une inégalité (empêcher l’accès à des hommes compétents à poste égal) pour favoriser une égalité… Doit-on naturaliser les compétences des personnes ?

Le risque de choisir une personne en fonction de son genre avant de considérer ses compétences est inévitable, surtout quand une discrimination (positive) fait force de loi, comme avec des quotas à respecter.

En outre, se pose-t-on la bonne question ? Plusieurs études ont montré que l’impact des quotas de diversité de genre tenait surtout à la possibilité de faire entrer dans les comités de direction des gens différents, possédant des caractéristiques significativement différentes que leurs contreparties (hommes, en l’occurrence) (Rosenblum and Roithmayr, 2015).

Or les études montrent qu’il y a très peu de différences dans les profils entre femmes et hommes recrutés dans les conseils : formation, expériences… les caractéristiques dominantes sont les mêmes (Baromètre de la Diversité dans les Conseils d’Administration, BSB 2020).

D’où des effets sur la performance des organisations très controversés, voire peu convaincants (Carter et al. 2010; Rose 2007 ; Post and Byron 2015). À l’inverse, plusieurs études montrent une association positive entre cohésion et performance (Paniaga et al., 2018), or l’imposition des quotas ne suffit pas à faciliter la gestion de cette diversité, ni le management de la cohésion dans les comités de décision.

Enfin, nous avons montré qu’un quota fonctionne comme une norme. Lorsque les individus qui ont une influence sur la composition des conseils d’ad- ministration ont en tête un chiffre à atteindre, plutôt que de faire rentrer des « vrais profils » adaptés au poste et divers sur des multiples critères, ils se concentrent sur le remplissage statistique des quotas de genre ; et donc la norme, même implicite, cristallise les stéréotypes (Galia et al.2017) : les femmes sont rentrées en dernier, après remplissage du quota restant pour les hommes, ceci limitant en fait le recrutement des femmes.

  • Contre - les quotas ne sont pas une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction. 56%, 58 votes 58 votes 56% 58 votes - 56% du total
  • Pour - les quotas sont une bonne solution pour favoriser la parité aux postes de direction. 38%, 39 votes 39 votes 38% 39 votes - 38% du total
  • Je ne sais pas. 7%, 7 votes 7 votes 7% 7 votes - 7% du total

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Les quotas à la télévision

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L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom, a pour mission de veiller au respect des quotas de diffusion imposés par la loi et le décret du 17 janvier 1990. Ces quotas permettent aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques d’expression originale française et européennes de bénéficier d’une place importante dans les grilles de diffusion des opérateurs et sur les services de médias à la demande. Ainsi, les quotas de diffusion encouragent la production audiovisuelle et cinématographique en langue française et européenne.

Le suivi de l'Arcom

L'Arcom est chargée d’attribuer la qualification adéquate aux programmes diffusés. Elle publie pour chaque chaîne de télévision nationale hertzienne en clair et le service Canal+ un rapport annuel qui établit le respect de leurs obligations.

Consultez les bilans des chaînes

Lorsque l'Arcom constate un manquement, elle prend les mesures qui s’imposent, selon la gravité du manquement constaté : simple lettre de rappel, mise en garde, mise en demeure, procédure de sanction (ne pouvant intervenir qu’après mise en demeure).

Les obligations de diffusion d’œuvres cinématographiques

Plusieurs obligations ont été fixées pour protéger la part des films en langue française diffusés sur le petit écran et la part des films européens, parmi lesquelles les deux mesures suivantes :

  • Un quota de diffusion qui impose une part de films d’expression originale française (40 %) et européens (60 %) dans le nombre total d’œuvres cinématographiques diffusées sur l'ensemble de la programmation et aux heures de grande écoute ;
  • Un quantum qui encadre leur présence à la télévision en limitant le nombre de films (et le nombre de diffusion de chaque film) que les chaînes peuvent diffuser annuellement ;

Enfin des accords professionnels organisent la chronologie des médias, c'est-à-dire les délais à respecter, une fois l’œuvre sortie en salle, pour son exploitation sur les différents supports et médias (DVD, chaînes de paiement à la séance, chaînes payantes, chaînes gratuites, VàD…).

Les éditeurs de services doivent respecter la chronologie des médias, un délai doit être respecté entre la sortie en salle d’un film en France et la première diffusion à la télévision.

Consultez la chronologie des médias

Les obligations de diffusion d’œuvres audiovisuelles

La loi impose également aux chaînes des quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles européennes et d’expression originale française, notamment afin de préserver la diversité culturelle et de soutenir l’industrie audiovisuelle. Cette réglementation diffère selon que le service de télévision utilise ou non pour sa distribution les fréquences que l'Arcom assigne (chaînes hertziennes).

  • Les chaînes hertziennes doivent ainsi consacrer, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'œuvres audiovisuelles, au moins 60 % à la diffusion d'œuvres européennes et au moins 40 % à la diffusion d'œuvres d'expression originale française. Ces proportions doivent également être respectées aux heures de grande écoute, c'est-à-dire sur la tranche horaire comprise le mercredi entre 14 heures et 23 heures et les autres jours entre 18 heures et 23 heures.
  • Il est du ressort de l'Arcom d’aménager pour chaque éditeur de service diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique en fonction de la nature de sa programmation, la plage horaire des heures de grande écoute.
  • Concernant les chaînes non-hertziennes, celles-ci doivent consacrer, dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'œuvres audiovisuelles, au moins 60 % à la diffusion d'œuvres européennes et au moins 40 % à la diffusion d'œuvres d'expression originale française. Il existe en outre un régime dérogatoire autorisant l'Arcom à abaisser jusqu’à 50 % le quota de diffusion d’œuvres audiovisuelles européennes en contrepartie d’engagements dans la production d'œuvres audiovisuelles d'expression originale française inédites par des entreprises de production indépendantes.

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respecter les quotas

Respecter les quotas de la loi Copé – Zimmermann est désormais une obligation : mais où est-on vraiment ? Itw de Lucille Desjonquères, Présidente de l’International Women’s Forum France et de Femmes au cœur des conseils (Leyders & associates)

respecter les quotas

Opinion Internationale : Lucille Desjonquères, vous présidez le chapitre français de l’International Women’s Forum France et êtes fondatrice de Femmes au cœur des conseils chez Leyders & associates. Vous « militez » depuis des années pour que les entreprises comptent autant de femmes que d’hommes dans leur gouvernance.  Pourquoi fallait-il une loi pour avancer sur le chemin de la parité dans le monde des affaires ?

La loi Copé – Zimmermann était indispensable. Tous les dirigeants d’entreprises conviennent que sans quota, ça bougera beaucoup moins vite. D’ailleurs, même avec des quotas, des entreprises attendent la dernière minute pour évoluer voire ne l’ont pas encore fait.

La situation est différente selon les entreprises : les grosses sociétés sont proches des 40% car elles avancent dans l’air du temps. Mais cette loi sera surtout utile pour les plus petites et aussi pour les ETI (entreprises de taille intermédiaire) qui sont assujetties à la loi à condition qu’elles ne soient pas en SAS (société par actions simplifiée). Les SAS en sont exemptes mais beaucoup d’entre elles ont des investisseurs et donc des comptes à rendre. N’avoir que des hommes au sein des comités stratégiques serait se priver de la performance et de la richesse que l’on trouve dans la mixité. Oui les SAS se sont pas concernées mais est-ce qu’on a besoin d’une loi pour faire des choses intelligentes et ne pas se passer de 50% de la population ? La question est posée. De nombreuses études prouvent de façon factuelle que quand les femmes sont à des postes de direction et qu’on leur laisse la parole et la liberté d’agir, les résultats sont meilleurs. Rien ne sert par contre d’embaucher une copine, une sœur, une cousine… si elles n’ont pas les compétences requises.

Qui sont les plus mauvais élèves ?

Les sociétés cotées sont plus près de 24% de femmes et les sociétés non-cotées sont à peine à environ 16%. Tirons la sonnette d’alarme car de nombreuses Assemblées Générales se tiendront au mois de juin. Au mois de mai, il va falloir que leurs commissaires aux comptes remettent un rapport dans lequel sera stipulé le nom et le nombre des femmes qui seront présentes à l’AG suivante. Si le quota de 40% de femmes n’est pas respecté, il risque d’y avoir des sanctions. Beaucoup de sociétés pensent qu’elles ne seront pas appliquées pour diverses raisons (campagne présidentielle, beaucoup de lois…). Moi je pense que les sanctions seront prises et certains en guise d’exemples.

Rien n’est prévu pour les comités exécutifs, les véritables « gouvernements » des entreprises. Est-ce que la loi Copé – Zimmermann va suffire à faire une place aux femmes dans le poste de pilotage des entreprises ?

Evidemment, dans les faits il ne faut pas que cela s’arrête aux conseils d’administration qui ne sont, pour leurs membres, que des fonctions non opérationnelles. Mais si on veut voir des femmes dans des comités exécutifs, il faut continuer sur cette lancée. Je note que la loi Copé – Zimmerman a été relayée par l’indice Zimmermann qui mesure la parité dans les grandes entreprises. Celles qui seront le plus paritaires seront mises sur le devant de la scène et sous le feu des projecteurs.

Je pense que de toute façon les sociétés qui ne se mettront pas à la parité vont avoir une image un peu poussiéreuse. Nous sommes dans une société en plein changement, en pleine innovation : le respect des femmes fait partie des valeurs de cette société.

La campagne présidentielle bat son plein, qu’en attendez-vous ?

Un futur président qui fasse vraiment bouger les lignes pendant son mandat et qui, pourquoi pas, mettra des quotas dans les comités exécutifs ! En tout cas, qu’il ne lâche pas l’affaire. Que le prochain président de la République applique scrupuleusement la parité dans son cabinet, dans le gouvernement, dans toutes ses équipes ! Qu’on se mette enfin à respecter les femmes à leur juste valeur, réellement, concrètement, et pas que dans les mots. 

Quels sont les plus gros problèmes auxquels les femmes doivent faire face selon vous ?

Il y a les violences faites aux femmes que nous condamnons avec force.

Tout aussi pire, les femmes sont happées dans des stéréotypes. Elles peuvent aussi être leur pire ennemi, en n’ayant pas l’audace d’aller prétendre à une promotion alors que les hommes y courent par exemple. Il faut qu’elles se dépassent, si une formation peut les rassurer, qu’elles se forment. Il faut qu’elles aient confiance en elles et qu’elles y aillent. Beaucoup ne vont pas prétendre à un poste supérieur car elles se demandent si elles en ont la légitimité ou se disent que ce n’est pas la peine, que c’est un homme qui l’aura.

Là où elles doivent aussi changer, c’est pour parler d’argent. Les femmes ont d’énormes difficultés à demander des augmentations de salaire, l’argent est tabou. Rappelons qu’à poste égal, il y a encore des différences de salaire entre les hommes et les femmes.

Moi, je rencontre des femmes de 60 ans aujourd’hui qui me disent, « à notre époque on a l’impression que l’on progressait davantage ». Je rencontre des centaines de femmes depuis trois ans à de très gros postes, beaucoup ont souffert. Les hommes ne leur ont pas fait de cadeaux. Après, ne noircissons pas le tableau : de nombreux dirigeants estiment que la présence des femmes est indispensable, le clament haut et fort, et encouragent leurs alter-égo à faire de même.

Beaucoup de femmes dans les directions d’entreprises soutiennent François Fillon. Est-ce parce qu’il a pris des engagements spécifiques sur la parité ?

Les femmes qui votent pour Fillon adhèrent à l’ensemble de sa campagne. Le fait qu’il donne une place aux femmes ne fait que consolider un choix déjà mûri en amont.

Emmanuel Macron a déclaré qu’il souhaite faire des droits des femmes, une grande cause nationale. Bonne ou mauvaise idée ?

C’est bien mais j’attends de voir ce qu’il va mettre en place concrètement. S’il trouve des leviers pour hisser la cause des femmes et qu’il fait ce qu’il dit, cela peut jouer en sa faveur. Il ne faut pas oublier que les Françaises, c’est quand même 53% de votants. Espérons que c’est sincère.

Propos recueillis par Claire Courbet

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Représentativité des femmes : les partis politiques sont invités à respecter le quota de 30 % (côte d'ivoire), représentativité des femmes : les partis politiques sont invités à respecter le quota de 30 % (côte d'ivoire), source: source url:  fratmat info.

respecter les quotas

La Constitution ivoirienne prône le principe de l’équité entre hommes et femmes. Et la Loi n°2019-870 du 14 octobre 2019 favorisant la représentation de la femme dans les assemblées élues, fruit d’une action concertée et inclusive de toutes les parties prenantes, y compris la société civile.

Pour mieux porter leur voix, le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant (Mffe) à travers sa Direction du genre et de l’équité (Dge), en collaboration avec l'Ong Care international avec son projet Femmes en avant (Fena) et financé par Affaires mondiales Canada, a organisé un atelier de plaidoyer auprès des partis politiques sur la représentativité des femmes dans les assemblées élues.

Cliquez  ici  pour lire l’article publié par Fratmat Info, le 14 juillet 2023.

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